Impôt pour les chiens Une taxe anti-sociale?

  • Les Lausannois s’acquittent chaque année de 190 francs pour leur chien, 90 francs pour la Ville, 100 pour le Canton, un record romand.
  • La Ville affirme que l’argent perçu est affecté aux coûts directs engendrés par les chiens tandis que le Canton refuse de se prononcer.
  • La Suisse est l’un des seuls pays au monde à maintenir un tel impôt jadis justifié par... les épidémies de rage.

  • Certaines voix s’élèvent pour abolir une taxe pas si indolore. 123RF

    Certaines voix s’élèvent pour abolir une taxe pas si indolore. 123RF

«Nous portons une attention particulière à offrir des prestations en contrepartie de l’impôt que nous prélevons»

Florence Germond, municipale lausannoise

«Franchement, je ne comprends pas. C’est le type même de la taxe injuste, bête et méchante». Marielle, une retraitée sexagénaire de Chailly, ne décolère pas. Depuis qu’elle a pris connaissance, à la fin du mois de mars dernier d’un reportage diffusé au TJ de la RTS, elle ne cache pas son mécontentement. Car elle vient d’apprendre que la taxe qu’elle acquitte chaque année pour le toutou qui accompagne la fin de ses jours, est... inutile. Du moins si l’on se place dans une perspective historique.

Mise en place au 19ème siècle, la taxe pour chien avait en effet pour objectif de financer la capture et l’euthanasie des chiens errants lors des épidémies de rage. Depuis, avec la disparition de la maladie sur le continent, la plupart des pays d’Europe y ont totalement renoncé, sauf en Suisse où elle demeure une juteuse survivance du passé, et ce alors même que l’obligation de vacciner contre la rage a été purement et simplement supprimée.

Fonction sociale

«Si la rage a disparu, pourquoi me prélève-t-on donc chaque année 190 francs? s’insurge Marielle. Lorsqu’on est à l’AVS comme moi, c’est un montant important, d’autant que mon animal de compagnie m’est indispensable. Après un certain âge, les chiens remplissent une véritable fonction sociale».

Si le montant de cet impôt est variable selon les communes et les cantons, il est incontestable que les Lausannois font partie de ceux qui contribuent le plus. Aux 80 francs que les Neuchâtelois concèdent chaque année, les Lausannois opposent 190 francs de taxes, 90 francs au bénéfice de la commune de Lausanne et 100 francs pour le Canton.

Si l’on prend en compte le nombre de canidés recensés à Lausanne, et en excluant les animaux exemptés de taxes (animaux de personne non voyantes, ou appartenant à l’armée et à la police par exemple), on arrive à des sommes plutôt conséquentes pour les budgets cantonal et communal. Entre 2011 et 2017, la Ville de Lausanne a perçu environ 330’000 francs chaque année, tandis que le Canton se taille la part du lion avec une moyenne de... 3,5 millions annuels depuis de nombreuses années, selon les chiffres fournis par l’administration cantonale.

Le silence du Canton

D’une manière générale, la somme récoltée par les chiens se répartit sur le territoire de la Ville à hauteur d’un tiers pour la Ville et deux tiers pour le Canton.

A nos demandes sur l’utilisation précise de ces fonds, la Ville a bien volontiers répondu, tandis que le Canton a préféré se murer dans le silence se bornant à préciser que l’impôt «n’était pas affecté».

«Il est utile de mentionner qu’il ne représente que 0,06 % du montant total des impôts perçus par la Ville», précise Patrick Taillens, chef du Bureau des impôts de la Ville Lausanne. Et d’ajouter: «la gestion des chiens ne génère pas seulement des recettes. Sur la base des comptes 2014, les coûts directs y relatifs se sont élevés à environ 400’000 francs. Et ces montants n’intègrent pas les nombreuses prestations fournies dans le cadre de la mission générale des services de la Ville présentées tels que le nettoyage de la voie publique et des parcs, l’entretien, aménagement des espaces publics, etc».

En clair, la gestion des chiens à Lausanne coûte plus cher à la Ville que ce que lui rapporte l’impôt: «nous portons une attention particulière à offrir des prestations en contrepartie de l’impôt que nous prélevons», résume Florence Germond, la Municipale en charge des finances lausannoises.

Abolition pure et simple

Ailleurs en tout cas, certains appellent à l’abolition pure et simple de la taxe. Depuis des années, des politiciens militent en ce sens, qu’il s’agisse du député genevois Thierry Cerrutti, dont le projet de loi avait été sèchement refusé par le Grand conseil du bout du lac, ou plus récemment de l’UDC Stéphane Florey qui dénonce «un impôt antisocial».

A Lausanne, Marielle prend son mal en patience, avec philosophie. «L’imagination des politiciens pour créer et maintenir des impôts est sans bornes. Et je suis sûr que la taxe pour les chiens est appelée à se maintenir, tant pour bien des gens elle est relativement indolore. Mais pour des modestes revenus, en revanche...»