Une Lausannoise se hisse au sommet du K2

HIMALAYISME • Sophie Lavaud a découvert l’alpinisme sur le tard. La Lausannoise vient pourtant de réussir l’ascension du K2, le plus difficile des quatorze sommets de plus de 8000 m du monde. C’est aussi son huitième. Rencontre avec une femme ensorcelée par la haute altitude.

  • Sophie Davaud au sommet du K2 le 21 juillet dernier. DR

    Sophie Davaud au sommet du K2 le 21 juillet dernier. DR

Le regard de Sophie Lavaud trahit une fatigue dont on ne se remet pas en quelques semaines. Ses mots disent la passion qui lui a permis de rallier le sommet du K2 (8’611 m) le 21 juillet dernier. En 2012, la Lausannoise de naissance a découvert les 8000 et leur «zone de la mort», où l’embolie pulmonaire menace mais où elle se sent pourtant si vivante.

«Le K2 est le plus dur, le plus dangereux, le plus engagé, le plus tout», assène l’alpiniste de 50 ans. Son compteur affiche huit des quatorze 8000 du monde. A son poignet, huit bracelets en témoignent. La binationale est l’himalayiste la plus capée de France et de Suisse! «La course aux quatorze 8000 n’est pas un but en soi même si seules quatre femmes l’ont mené à bien. Mais je suis fière d’avoir gravi ce K2 !»

Résistance innée à l’altitude

Rien ne prédestinait Sophie Lavaud à l’himalayisme. Tout a commencé en 2004, par ce pari fait avec un ami de monter au Mt Blanc. Ce premier 4000 a débouché, après une longue progression, sur l’Everest en 2014. Les six mois de l’année où elle est en Suisse, Sophie Lavaud aiguise sa condition physique en salle d’escalade, dans un fitness guidée par un coach, à peau de phoque ou sur des cascades de glace. Elle a forgé sa volonté de fer dans l’enfance grâce à la danse classique. Les sensations ressenties dans ses étroites chaussures d’escalades lui rappellent d’ailleurs ses pointes d’alors… Sa résistance à l’altitude est innée. En Himalaya, cela ne lui épargne pas pour autant la phase de «yoyos» d’acclimatation entre camp de base et camps d’altitude.

D’après elle, un 8000, se gagne en équipe et surtout avec sa tête. «Le mental peut pousser le corps bien au-delà de ce que nous croyions être nos limites.» L’himalayisme exige aussi le goût de l’attente et la capacité à savoir renoncer. L’alpiniste avait dû le faire en 2016 au K2 suite à l’avalanche qui avait balayé le camp 3. Sage décision car, en Himalaya, la mort rôde. L’accepter sans en faire une obsession paralysante fait partie du jeu, d’après la Lausannoise. Au K2, elle a été confrontée à la mort d’un confrère japonais et d’un Québécois. La mort est proche, mais la vie est aussi à mille lieux de la version aseptisée qu’elle est trop souvent devenue en bas, où la moindre prise de risque est traquée, fustigée, puis assurée... C’est pour cela aussi que Sophie Lavaud se dit «fascinée par la haute altitude».

De la sobriété à l’ivresse

Dans son ancienne vie, la Lausannoise a travaillé dans l’hôtellerie, l’événementiel et le luxe. Depuis qu’elle a choisi de ne se consacrer qu’à l’alpinisme en 2014, ses revenus ont fondu comme neige au soleil. Ils proviennent des conférences et des sponsors. Chaque expédition représente des dizaines de milliers de francs. Mais c’est bon marché pour tant de bonheur! «En haut, c’est la joie et l’euphorie. On pleure, on s’enlace, on rit et on plane un peu à cause de l’hypoxie… Ces moments ne ressemblent à rien de ce que j’ai connu en bas.»

Sophie Lavaud est restée 20 minutes sur le deuxième sommet le plus élevé du monde, une éternité à ces altitudes. Il avait fallu 12 heures d’effort et deux bouteilles d’oxygène à Sophie Lavaud pour arriver au sommet vers 8 heures depuis le camp 4. Et il lui en a fallu autant pour redescendre au camp de base 3600 mètres plus bas. «Dans ces états de fatigue extrême, on est dans un état second et on ne pense à rien d’autre qu’au pas qu’on est en train de réaliser.» La quintessence de l’instant donc. Et si au fond, c’était cette qualité de présence que Sophie Lavaud, comme tant d’autres sportifs de l’extrême, recherchait vraiment ?

Laurent Grabet

www.sophielavaud.com