L'usine Tridel est-elle nocive?

- Lancée en 2006, l'usine d'incinération des déchets tourne aujourd'hui à plein régime.
- Certaines voix s'élèvent pour remettre en question la validité des mesures des substances émises dans l'atmosphère.
- A Clermont-Ferrand en France, un collectif de 530 médecins s'oppose par tous les moyens à l'ouverture d'un incinérateur.

  • Certains riverains n'ont pas hésité à faire preuve de leur inquiétude. DR

    Certains riverains n'ont pas hésité à faire preuve de leur inquiétude. DR

DECHETS • Avons-nous, sans le savoir, une bombe à retardement au cœur de Lausanne et à 200 mètres à peine du CHUV? C'est en tout cas ce qu'affirme l'ingénieur Claude Monod, président de l'Association pour la sauvegarde du Vallon du Flon. Depuis plusieurs mois en effet, l'association assaille d'une multitude de courriers les autorités cantonales, qu'elles soient sanitaires ou responsables de la surveillance de l'environnement. Son objectif? Obtenir des précisions quant aux nuisances occasionnées par le fonctionnement de Tridel, la célèbre usine d'incinération de déchets ménagers, ouverte en 2006.

Valeurs maximales

L'association n'hésite pas à remettre en question les méthodes de mesure de la qualité de l'air autour du site de Tridel. «Les valeurs d'émissions sont sous-évaluées car elles se basent sur un débit d'incinération de 11.8 tonnes par heure et par four», explique ainsi Claude Monod. Et de s'insurger: «Or il est certain que le débit de l'incinération dépasse largement ce seuil. Pourquoi ne pas effectuer les contrôles quand les fours fonctionnent à leurs valeurs maximales?»Autre doléance: selon Claude Monod, Tridel ne respecte tout simplement pas la volonté populaire: «Dès sa mise en service, affirme-t-il, l'usine a incinéré beaucoup plus de déchets que prévu. On a trompé les citoyens en leur faisant voter pour des usines pouvant brûler 140'000 tonnes annuelles et non les 158'000 tonnes atteintes! En plus, on s'était engagé à ne brûler que les déchets du canton, ce qui n'a pas toujours été le cas!»Mais l'association n'est pas la seule à remettre en question Tridel. Depuis l'ouverture de l'usine, certains riverains n'ont ainsi pas hésité à faire preuve de leur inquiétude. Publié en septembre de l'année dernière par notre confrère 24heures, un courrier des lecteurs dénonçait les «odeurs pestilentielles» ainsi que les «poussières grossières et noires» déposées sur son balcon et exigeait un renforcement «des filtres de l'usine, jugés insuffisants lors des canicules».Toutes ces allégations ont le don de susciter l'indignation de Stefan Nellen, president du conseil d'administration de l'usine d'incinération de déchets.

Trois plaintes par an

«A Tridel, sur 150'000 citoyens lausannois, nous n 'enregistrons que 3 plaintes par an, s'insurge-t-il sans cacher une pointe d'exaspération. Et en plus, ce sont toujours les mêmes depuis dix ans! Quant à l'association pour la sauvergarde du vallon du Flon, elle ne compte en réalité qu'un seul membre cotisant!»Et sur le fond, Stefan Nellen récuse en bloc toutes les accusations portées contre Tridel: «Tout cela est complètement faux. D'abord Tridel ne sent pas en exploitation normale. Il peut arriver en été, qu'au cours du transfert de déchets, des odeurs s'échappent dans un certain périmètre autour de la benne, mais rien de plus. Enfin, les tests sont effectués lorsque les fours tournent à plein régime, et par un bureau totalement neutre et indépendant et nous ouvrons nos portes à tous ceux qui le souhaitent. Bien sûr, dire qu'on ne pollue pas c'est faux. Une usine c'est comme une voiture, elle pollue forcément. Mais aujourd'hui, on ne peut pas faire mieux avec la technologie actuelle. D'ailleurs Tridel est 21 fois plus propre que celle qui existait auparavant à Lausanne!»Quant à l'éventuelle surcapacité des fours, le président la balaie d'un revers de main: «Certains au départ nous reprochaient que l'usine était surdimensionnée. Aujourd'hui, on nous reproche le fait qu'elle fonctionne à plein régime». Et d'annoncer: «De toute façon, avec l'introduction de la taxe au sac en 2013, on s'attend à une diminution des tonnages de 15 à 20%!»

«Tridel est 21 fois plus propre que celle qui existait auparavant à Lausanne!», Stefan Nellen, president du conseil d'administration de Tridel.

«Un attentat contre la santé publique»

CA • C'est une bronca assez inédite qui ne peut qu'interpeller. A Clermont-Ferrand, en France, pas moins de 530 médecins, sur les 740 que compte l'agglomération, se sont opposés à l'implantation d'un incinérateur d'ordures ménagères. Médecin et élu local, leur porte-parole Jean-Michel Calut ne mâche pas ses mots. «L'installation d'un incinérateur dans notre région est un attentat programmé contre la santé publique. A l'hôpital, j'ai soigné pendant des années des malades de l'amiante. Alors je ne veux plus jamais entendre des phrases du genre: responsable mais pas coupable! Le problème avec les incinérateurs, c'est que les normes sont techniques et non pas sanitaires.» Et de s'appuyer sur les conclusions d'une étude de l'Institut National de Veille Sanitaire rendues publiques en mars 2008, qui ont «mis en évidence un lien entre le niveau d'exposition des populations aux panaches de fumées des incinérateurs dans les années 70-80 et l'augmentation significative de la fréquence de certains types cancers pendant les années 90-99»