Une poudrière sur les hauts de Lausanne

- Avec un taux d'occupation de 170%, la prison vaudoise est au bord de l'explosion.
- Les scènes de mutinerie et de violence se multiplient à une allure inquiétante.
- La conseillère d'Etat en charge de l'intérieur Béatrice Métraux admet une situation problématique.

  • A Bois Mermet, la situation carcérale est problématique. VERISSIMO

    A Bois Mermet, la situation carcérale est problématique. VERISSIMO

A l a prison de Bois-Mermet, la situation est explosive. Avant, il n'y avait que les chiffres pour en rendre compte: un taux d'occupation de 170% et, parfois, trois détenus par cellule. Désormais, la réalité rattrape les statistiques et les détenus font savoir leur ras-le-bol. Il y a peu une mutinerie a eu lieu lors de la promenade matinale. Ricardo*, un a détenu, s'en souvient. «Je ne faisais pas partie du groupe. Mais une vingtaine de prisonniers a refusé de regagner les cellules. La gendarmerie a dû intervenir. Cela m'a vraiment fait peur, j'ai cru que tout allait dégénérer. Heureusement, tout s'est bien terminé.»

Surpopulation carcérale

Une trentaine de gendarmes et des membres du DARD (Détachement d'action rapide et de dissuasion) a été appelée à la rescousse. Les principaux meneurs de l'action de protestation ont été transférés dans d'autres établissements de détention préventive de Suisse romande et seront sanctionnés. Quelle est la raison de cette colère et de cette désobéissance aux injonctions du personnel surveillant? Les détenus ont manifesté pour exprimer des revendications générales en lien avec la surpopulation carcérale. Cette problématique préoccupe le canton de Vaud depuis des mois. Le Grand Conseil a accepté début septembre un texte demandant la tenue d'assises de la chaîne pénale, pour examiner la thématique de la répression jusqu'à l'exécution des peines.

Conditions alarmantes

Ricardo, le détenu qui nous livre de l'intérieur ses impressions de l'intérieur, ne semble pas étonné. «Des détenus se battent à cause de la promiscuité. Je sens la colère moner et je sens aussi que cela va finir par exploser. A l'intérieur, c'est une évidence pour tout le monde. Même les gardiens semblent désarmés face à cela. Pour vous montrer l'état de la situation, je peux juste vous dire que nous sommes nombreux à avoir l'impression d'être traités comme des animaux que l'on va abattre. Et ça, ce n'est pas bon, cela crée de la haine. Et dans une prison, quand il y a de la haine, je peux vous assurer que c'est très dangereux.»

Les gardiens aussi

Les gardiens aussi expriment leur ras-le-bol. «Il ne faut pas avoir peur de le dire, la situation est tout simplement catastrophique pour le personnel dans les prisons, tonne Cyrille Perret, secrétaire général de la Fédération des Sociétés de fonctionnaires vaudois (FSF). C'est dangereux! J'ai rencontré les gardiens il y a quelques jours et je peux vous assurer qu'ils sont mécontents et, du coup, nous sommes inquiets. Je crois que les élus ne se rendent pas compte de la gravité de la situation. Ils attendent qu'un gros couac arrive pour agir, c'est déplorable!»En attendant, le quotidien de Bois-Mermet demeure intenable: la grogne monte, les listes d'attente pour l'exécution des peines s'allongent, les projets sont élaborés en vitesse, le stress gagne tout le personnel, et le risque est permanent. Depuis la triste affaire du détenu décédé, Skander Vogt en mars 2010, rien n'a changé. Pire, la situation s'est aggravée comme le confirme Ricardo: «Nous allons assister à un drame ces prochaines semaines, c'est une évidence...»

* nom connu de la rédaction

Trois questions à Béatrice Mettraux

Lausanne Cités: Comment jugez-vous la situation actuelle à Bois-Mermet?

Béatrice Mettraux: Le calme est revenu grâce aux efforts consentis par la direction et le personnel du Bois-Mermet, avec la collaboration de la Police cantonale. Mais la situation reste problématique dans le sens où le taux d'occupation est toujours de 170%. Dans ces conditions, la marche normale de cet établissement - et de n'importe quel autre qui connaîtrait pareille situation - ne peut pas être garantie car les infrastructures ne sont pas dimensionnées pour gérer cette surpopulation. La vie communautaire de l'établissement s'en ressent et cela crée inévitablement des tensions.

Comment expliquez-vous ces débordements?

Le terme de débordement par rapport à ce qui s'est passé est exagéré. Des détenus ont refusé de regagner leurs cellules pour manifester leur mécontentement. L'ordre a été rétabli dans le calme. Mais vu les conditions de détention et la promiscuité, on ne peut exclure de nouvelles manifestations de mécontentement. N'en demeure pas moins que les règles de fonctionnement de la prison ne peuvent être bafouées, car cela rendrait évidemment la situation encore plus difficile.

Comment y remédier?

La question de la surpopulation carcérale s'inscrit dans la logique plus générale de la chaîne pénale: police, Ministère public, service pénitentiaire. Ces trois entités collaborent au mieux et chacune dans le respect de leurs missions. On constate qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale le 1er janvier 2011, le rythme des mises en détention provisoire ne s'est pas ralenti, même si un certain recul avait été enregistré durant les six premiers mois de 2011, alors que le nouveau système se mettait en place. Désormais, c'est une priorité du Conseil d'Etat de créer de nouvelles places de détention. En mai dernier, 23 places en détention provisoire ont vu le jour grâce à des réaménagements à la prison de la Croisée. En juin, un décret visant à agrandir la Colonie des EPO par la création de 80 places supplémentaires (exécution de peine) a été adopté par le Grand Conseil. Et nous prévoyons enfin d'ouvrir 80 places supplémentaires pour le début du printemps 2013 dans des constructions modulaires, toujours sur le site de la prison de la Croisée, et pour la détention préventive encore.