Parents et profs désorientés

- La réforme de la LEO suscite de nombreuses incertitudes et la rentrée 2013 s'annonce musclée.
- Les parents sont déjà inquiets et les professeurs peu au fait des changements à venir.
- La communication du département de la formation (DFJC) est critiquée.

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    Parents et profs désorientés

«Il n'est pas envisageable que dans un pays comme la Suisse, la communication sur un sujet aussi important que la modification d'un système scolaire soit à ce point chaotique. Je n'ai jamais vu cela et je peux vous assurer que je connais de nombreux parents d'élèves mécontents!» Cette mère, qui ne mâche pas ses mots, a un garçon de dix ans et vit à Lausanne. Elle est donc pleinement concernée par l'harmonisation scolaire dont l'entrée en vigueur définitive et complète est prévue à la rentrée d'août 2013, bien que l'été dernier, quelques éléments aient déjà été introduits pour que la transition se fasse en douceur.A l'époque, le département justifiait ainsi ce choix: «Lors de la présente rentrée, certains éléments de la LEO sont cependant mis en application de manière anticipée. En effet, afin que les élèves qui débutent leur 6e année scolaire puissent être orientés entre la voie prégymnasiale et la voie générale définies par la LEO à la fin de l'année, il convient que les articles concernant le processus d'orientation soient en vigueur dès la présente rentrée scolaire. Les articles entrant en vigueur de manière anticipée portent également sur les réorientations à l'issue de la 7e année, pour les mêmes raisons.»

Nombreux changements

Les changements à venir seront bien plus nombreux à la rentrée prochaine. Pour rappel, la LEO réduit le nombre des filières qui passent de trois à deux. La VSO, voie secondaire à options, est intégrée dans une voie générale. Des enseignements à niveaux sont instaurés pour le français, les mathématiques et l'allemand. Les notes sont introduites dès la 5e année. Le paradoxe pour Barbara de Kerchove, présidente de l'association vaudoise des parents d'élèves (APE), est que le nouveau système sera mieux adapté aux élèves. «Les parents nous appellent très préoccupés. Il y a beaucoup d'inquiétudes quant aux changements à venir. Pourtant, il n'y a pas de souci à se faire, car la LEO permet une orientation bien moins stigmatisante et anxiogène que celle en vigueur actuellement.»Preuve d'un certain manque de clarté dans la communication du DFJC, à l'heure où sont écrites ces lignes, la page censée expliquer le contenu de la loi sur l'harmonisation scolaire est indisponible sur le site du canton. De quoi encore davantage déboussoler des parents qui en ont gros sur la patate. «Les professeurs nous disent, on vous sert ce que l'on nous a dit, confie Estelle*, habitante de Cully et mère de deux enfants. Ce changement fait peur à tout le monde. J'ai un fils en 7e année et une fille en 4e, je vous assure que c'est l'enfer. Tout le monde ressent la pression.»

Parents déboussolés

Les professeurs aussi, comme ce jeune enseignant nyonnais qui lance de manière confidentielle: «Je pense qu'avec ce nouveau système, nous allons devoir revoir nos exigences à la baisse afin de ne pas affoler les statistiques de l'échec. C'est en tout cas ce que l'on nous laisse entendre de plus haut.» Au DFJC, la réponse concernant la mauvaise communication est hésitante: «Le département est particulièrement conscient de l'importance de l'information qui accompagne la mise en œuvre de la LEO, précise Michael Fiaux, délégué à la communication. Nous y travaillons, notamment par l'intermédiaire de flyers ciblés par année scolaire (6e et 7e pour 2012-2013), et via le site Internet www.vd.ch/leo où les parents d'élèves peuvent trouver des réponses à leurs interrogations.»Pour la présidente de l'APE, il y a encore des efforts à faire: «Le département n'est pas assez clair et complet dans sa communication. Les parents sont en droit d'attendre autre chose qu'un flyer!» Pas sûr donc que les moyens cantonaux suffisent car dans la pratique, de nombreux parents se sentent totalement déboussolés. Si certains admettent que les informations devraient arriver ces prochaines semaines, d'autres ont l'impression que la communication est une pure cacophonie. De quoi augurer le pire pour la rentrée d'août 2013...

* nom connu de la rédaction

 

A qui profite le flou?

La grogne des parents profitent aux structures qui offrent des approches différentes que l'Etat ne peut proposer. C'est l'une des raisons de l'engouement pour les centres de soutien scolaire qui se sont développés à une vitesse jamais atteinte à Lausanne. «Nous enregistrons de plus en plus de demandes en relation avec les cours de soutien scolaire et la formation, confirme Noël Dentan, directeur du centre Futurplus. En effet, face à la philosophie d'un système académique et professionnel sélectif et parfois même élitiste, les parents ont développé, à juste titre, d'importantes craintes pour l'avenir de leurs enfants qui, dès la 5e année, développent souvent un stress dû à l'importante pression exercée par cette sélectivité.»Et de rajouter: «Les systèmes scolaires actuels sont normatifs et doivent faire face à de nombreuses difficultés organisationnelles dues aux nombres croissants d'élèves nécessitant des mesures de pédagogies compensatoires. Ainsi, certains élèves qui, pour des raisons comportementales ou scolaires, ne correspondent pas à cette norme, se retrouvent rapidement en difficulté voire en échec. D'autre part, l'engouement envers les centres de soutien scolaires est dû à la pression exercée par le marché de l'emploi.»