Pascal et Mireille sont partis main dans la main via Exit

HOMMAGE • Le 6 octobre, le célèbre artiste pulliéran Pascal Besson et son grand amour Mireille «partaient» ensemble main dans la main via Exit. Franck Bridel, l’un des meilleurs amis du couple, témoigne.

  • La peinture de Pascal Besson jouit d’une renommée internationale et continue de toucher toutes les générations. DR

    La peinture de Pascal Besson jouit d’une renommée internationale et continue de toucher toutes les générations. DR

«Franck, on en a marre tous les deux…» Voilà comment le célèbre peintre de Pully Pascal Besson a annoncé à son grand ami Franck Bridel que lui et son épouse adorée Mireille avaient choisi d’en finir en recourant à l’association d’aide au suicide assisté Exit.

C’était par téléphone l’automne dernier. «Pour nous, ses amis proches, ça a été une grosse secousse. Ça faisait mal de savoir qu’on allait les perdre après tant d’années de belle amitié, d’autant qu’on ne connaissait pas la date et que j’avais revu Pascal et Mireille peu de temps avant!» confie avec pudeur le Vaudois.

Couple fusionnel et hétérogène

Ancien rédacteur en chef de la Gazette de Lausanne et auteur de deux livres de référence sur la peinture de son ami disparu, Franck Bridel garde bon pied bon œil malgré ses 98 ans. Son amitié avec Pascal Besson avait démarré à l’armée même si 7 ans séparaient les deux hommes. «On avait sympathisé pendant les interminables attentes jalonnant les manœuvres.» Leur amour de la peinture les avait rapprochés. A l’époque, Pascal Besson n’était pas encore un peintre à succès exposé jusqu’au MoMA de New York. Il n’était qu’un graphiste prometteur et très amoureux.

Car ce qui a fait de lui un grand homme, c’est autant son talent que sa Mireille. Les deux tourtereaux s’étaient connus sur les bancs de l’école. «Lui ne faisait rien d’autre que peindre. Elle gérait le quotidien, les accrochages pour lesquels elle avait un talent inné et tout le reste. Elle était à son service mais détestait cette idée. C’était un couple fusionnel avec de grandes différences de caractère. Lui était boute-en-train et gourmand. Elle était énergique et concrète. Elle avait une santé de fer et les rares fois où elle n’était pas bien, c’était de la faute du médecin…», s’amuse Franck Bridel.

L’amitié de couple qui liera le sien et celui des Besson sera jalonnée de discussions passionnées autour de bonnes bouteilles de chasselas, «d’hécatombes de fruits de mer» en Bretagne où les Besson allaient pêcher les belles lumières chaque été et d’exposition où Franck Bridel était chargé de faire un petit discours sur la peinture de son ami dont il était devenu spécialiste. «Dommage que le fait que Pascal et Mireille soient morts ainsi ait comme occulté leur art dans les articles de presse parus peu après!» déplore l’ancien grand journaliste. Lui eut préféré que plus de considération soit apportée à l’œuvre du disparu.

Les douleurs de la maladie

«Pascal avait un succès spectaculaire. A chaque expo, il vendait tout. C’était surprenant au regard de la rigueur de sa peinture. Il disait procéder par soustraction pour ne garder que l’essentiel. La critique le boudait un peu à son goût et il estimait que c’était parce qu’il avait été officier. Cela l’agaçait et un jour, il a écrit un texte répertoriant tous les grands peintres qui avaient été militaires gradés, Manet, Monet ou le Douanier Rousseau.»

Le suicide assisté de ses amis n’interroge pas Franck Bridel dans son rapport à sa propre mort. «J’espère mourir avant d’être gâteux mais je n’envisage pas l’euthanasie. Je pleure Pascal et Mireille mais ils ont bien fait de s’en aller. Pascal était grabataire depuis des mois et ne montait plus à son atelier et Mireille souffrait d’un cancer de la mâchoire, l’un des plus douloureux… La maladie fait qu’ils n’avaient plus rien de la vie…»

Un départ dans la gratitude

Plus rien? Pas sûr… Nicole Conrad, la «fille de cœur» du couple, comme leur ami pasteur David Freymond, qui ont accompagné quotidiennement les Besson durant leur trois derniers mois de vie, relèvent qu’ils étaient «habités par la gratitude». Les derniers temps, Pascal et Mireille Besson étaient sereins et répétaient souvent: «on a eu une tellement belle vie!».

Ils sont partis main dans la main comme ce jour où à 15 et 17 ans, leur amour s’était scellé pour toujours. Ceux qui les ont connus et escortés jusqu’au bout dans un Temple de Pully bondé à l’occasion de leurs obsèques, ne les oublieront jamais. Franck Bridel est de ceux-là.