Kevin Grangier: la Suisse et sa grand-maman ont fait de lui un héritier

POLITIQUE • Fraîchement réélu à la présidence de la section vaudoise de l’UDC, Kevin Grangier est tombé dans la politique dès l’adolescence. Ce chemin l’a mené des années plus tard à la foi.

  • Kevin Grangier pose à Ouchy, à côté du buste de Jean-Pascal Delamuraz. PYTHON

    Kevin Grangier pose à Ouchy, à côté du buste de Jean-Pascal Delamuraz. PYTHON

«La foi m’a donné un équilibre de vie dans les moments de doutes»

Décembre 1995. Pour la seconde fois de sa carrière de conseiller fédéral, le radical vaudois Jean-Pascal Delamuraz devient Président de la Confédération. Kevin Grangier n’a alors que 11 ans. Il est l’aîné d’une fratrie de trois. L’évènement vaut au préado de Noville et à ses camarades d’avoir en cadeau un jour de congé. Le Chablaisien s’en étonne. Il creuse et rapidement la politique s’enracine dans sa vie. Sa grand-maman maternelle avait préparé le terrain. «Elle travaillait dans une agence de voyages et avait des anecdotes passionnantes pour chaque coin de pays. Depuis gamin grâce à elle, j’ai eu conscience de vivre dans une culture dont je suis l’héritier et que je transmettrai en héritage». Ado, quand d’autres se passionnent pour le rap et fument des joints, le jeune homme aiguise sa conviction naissante que «la Suisse n’est petite que sur la carte et que pour rester elle-même, elle doit cultiver ses différences et rester un Etat souverain.»

Première claque médiatique

Sa solide expérience des médias aidant, il se raconte facilement. «Un premier article au vitriol à mon sujet, paru dans la Presse Riviera Chablais en 2000, nous avait fait passer mon ami Dylan Karlen, désormais député au Grand Conseil et moi pour deux extrémistes. C’était assez dur sur le moment, mais l’avantage, c’est qu’une claque que tu prends à 15 ans, tu ne la reprends pas à 30…» Le quotidien s’était intéressé aux deux copains d’enfance car ils venaient de fonder l’Union démocratique populaire (UDP). Ce parti comptera une vingtaine de membres mais fera long feu. «Son journal lui a survécu plus longtemps, s’amuse Kevin Grangier. On l’avait appelé ‘‘Le Réformateur’’ car c’est comme cela qu’on se voyait.» Si l’UDP meurt rapidement, c’est aussi car Kevin Grangier cofonde un soir de mars 2002 dans la ferme de son ami, le futur conseiller national Michaël Buffat, à Vuarrens, la section des jeunes UDC Vaud dont il prend la vice-présidence. Un certain Guy Parmelin adoube la démarche...

L’année précédente, à 15 ans, Kevin Grangier avait quitté le domicile parental pour entamer à Sainte-Croix son apprentissage de médiamaticien. «Mon père est ingénieur sanitaire et son propre patron depuis toujours. Nous descendons d’armaillis gruériens descendus sur la Riviera par le col de Jaman. Petit, j’avais été éduqué pour être débrouillard comme eux. Du coup, cet exil précoce a été difficile une nuit seulement et dès le lendemain, je me faisais des copains car j’ai le contact facile.»

Il traite Calmy-Rey de menteuse

Le jeune UDC s’éclate avec ses nouveaux amis sur des jeux vidéo en réseau ou dans les bistrots du cru à jouer au jass. Et en parallèle, il aiguise ses idées. «A l’époque déjà, je ne venais jamais spontanément sur des sujets politiques avec les gens, à moins qu’eux m’en parlent car je ne souhaite pas imposer mes choix.» Lors de son premier Infrarouge sur les accords Schengen, du haut de ses 20 ans, il se paie le luxe de traiter la Conseillère Micheline Calmy-Rey de «menteuse» devant tout le pays. Après un premier job à Genève, le Vaudois passe deux ans à l’armée. Là, il apprend l’allemand et deviendra adjudant-major. Ce sera un atout précieux pour les six années qui suivront et au cours desquelles il travaillera au secrétariat central de l’UDC à Berne. «J’étais le seul Romand au milieu de douze Alémaniques. J’étais au cœur de toutes les campagnes et succès UDC comme celle sur les minarets ou le renvoi des criminels étrangers. J’ai appris à dialoguer avec les médias et à planifier une action sur un horizon de plusieurs années. Ça a été mon apprentissage de la politique.»

Ses jumeaux dans le bureau de Parmelin

En parallèle, le jeune homme se marie. Son épouse, une amie de jeunesse dont il vit désormais séparé, lui donne trois enfants dont des jumeaux. En 2014, le jeune loup revient à Lausanne pour devenir secrétaire général de l’UDC Vaud. C’est à ce poste qu’il concrétisera ce qui demeure son fait d’armes à ce jour: contribuer, en collaboration avec Céline Amaudruz et Yvan Perrin, à faire élire Guy Parmelin au Conseil fédéral. «Dès mon arrivée, j’ai senti qu’une fenêtre historique se présenterait 18 mois plus tard, de faire de Guy l’un des sept sages. Il y avait de nombreuses incertitudes mais on a pu en influencer les choses dans notre sens, par exemple en organisant la tenue d’une assemblée des délégués de l’UDC Suisse à Montreux quelques semaines avant l’élection. C’est à cette occasion que nous avons officialisé la candidature de Guy. Cela lui a permis d’être très médiatisé en Suisse allemande au meilleur moment possible.»

Au final, l’agriculteur de Bursins sera élu par un score qui, à 12 voix près sur 246, était celui que Guy Parmelin et Kevin Grangier avaient savamment calculé… Le président de l’UDC Vaud y gagnera «la satisfaction d’avoir contribué au retour d’un Vaudois au Conseil fédéral et pour la première fois sous la bannière UDC…» Récemment, pour fêter leurs huit ans, ses jumeaux ont été reçus à Berne dans le bureau du «chef de la Suisse, que papa connait». «On est restés une petite heure ce qui a donné le temps à ma fille de contredire Guy», s’amuse Kevin Grangier.

Baptisé par Benoît XVI

«Je me vois comme un idéaliste un peu romantique, entré tôt en politique par passion. L’ambition d’être un homme de pouvoir moi-même ne m’habite pas, reprend le politicien. Je trouve mon équilibre dans ma liberté, une valeur cardinale pour moi et en m’engageant politiquement pour le bien commun...» C’est fidèle à cette vision qu’en 2018, il lance sa société de conseiller en relations publiques indépendant. Parmi ses clients, on trouve l’UDC Suisse ainsi que des PME.

Mais le Vaudois est aussi guidé par quelque chose de plus grand que lui. Quelque chose vers quoi la politique l’a amené: sa foi. «En admirant la gigantesque fresque se trouvant derrière le président du Conseil national, j’ai distingué un jour l’ange caché dans le nuage qui surplombe les trois Suisses prêtant serment sur le Grütli. Il symbolise bien que derrière le pays que j’aime, il y a des valeurs dont les racines sont spirituelles…» Ainsi, en 2011, après un chemin de foi de six ans et grâce à un ami garde suisse, Kevin Grangier est baptisé au Vatican par le Pape Benoît XVI. «Je devais être bien éloigné de la foi pour que ce soit le Saint Père lui-même qui se penche sur mon cas», plaisante-t-il. Et de conclure en confiant: «La foi m’a donné un équilibre de vie notamment dans les moments de doutes et de difficultés rencontrés dans ma vie personnelle et spirituelle. Elle est garante d’une nécessaire humilité qu’il faut cultiver au mieux, surtout quand on fait de la politique…»