Quand Citycable concurrence frontalement les cinémas… lausannois

CONCURRENCE • Cet été, les exploitants de salles obscures ont retrouvé le sourire grâce à l’immense succès de «Barbie». Mais alors qu’il est toujours à l’affiche dans les cinémas lausannois, le film est déjà proposé en streaming par Citycable. Explications.

  • Alors qu’il est toujours en salles, «Barbie» est proposé à la location par Citycable. DR

Après la morosité due à la forte baisse de fréquentation des cinémas de 2019 au premier semestre 2022, d’après les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, le sourire est de retour pour certains professionnels. Rien que cet été, les deux blockbusters «Barbie» et «Oppenheimer» ont drainé un large public. Les entrées cumulées de «Barbie» en Suisse se chiffraient le 4 septembre à 659’000 selon Filmsdistribution. Et «Anatomie d’une chute» recueille aussi un joli succès en Romandie.

A Lausanne, deux cinémas Pathé ainsi que Cinétoile à Malley-Prilly projettent encore «Barbie», sorti le 19 juillet dernier. Seulement voilà: six semaines plus tard, ce film est déjà proposé en location en vidéo à la demande (VoD) sur des téléréseaux comme celui de Lausanne (Citycable), géré par les Services industriels communaux. Une concurrence du streaming qui ne semble pas faire les affaires des cinoches. Interrogé à ce sujet le mercredi 6 septembre, le secrétariat de l’Association Cinématographique Suisse nous remercie d’avoir attiré l’attention sur ce cas, avant de préciser: «Vérification faite auprès du distributeur du film (cf: Warner Bros), il s’agit d’une erreur et ils ont immédiatement demandé à Citycable de retirer ce titre. Ceci devrait donc être corrigé au plus vite. La sortie sur les plateformes n’est pas prévue avant plusieurs semaines.»

Différence entre la France et la Suisse

Le film «Barbie» est pourtant demeuré les jours suivants à la location à la demande sur les téléréseaux notamment de Lausanne, Epalinges, Aubonne et Nyon, via la société Net+ (dont est actionnaire Citycable), qui gère la programmation. Nous avons approché Citycable qui a refusé de s’exprimer officiellement, assurant toutefois que tout était en règle et qu’il s’agissait d’accords contractuels signés entre Net+, un intermédiaire et les distributeurs en Suisse. Et de rappeler pour l’anecdote que Swisscom TV avait proposé le dernier Batman à ses clients l’an dernier alors qu’il était toujours à l’affiche. Quant à Net+, ils ne nous ont pas rappelés… Alors qu’est-ce qui est officiellement autorisé ou interdit en Suisse comme délais de diffusion? Rien!
Tandis qu’en France il existe une règlementation en ce domaine intitulée «chronologie des médias». Cela régit les délais entre la projection des films en salles puis leur diffusion sur d’autres supports, selon divers facteurs. Le but: limiter la concurrence entre cinéma et télévision ou plateformes de streaming. En pratique, la fourchette de ces laps de temps va de quatre mois après une sortie en salle pour apparaître sur DVD ou en VoD à plus d’un an sur des sites comme Netflix, voire 22 mois pour des chaînes de télé généralistes. Il n’existe pas de tels accords dans notre pays.

Base contractuelle 
au cas par cas

Responsable suppléant de la section cinéma à l’Office fédéral de la Culture, Laurent Steiert confirme que tout repose en Suisse sur une base contractuelle flexible. «Il s’agit d’une négociation film par film entre exploitants de salles, distributeurs, sociétés de production détentrices des droits, notamment, d’autant que les enjeux sont différents à chaque fois, déclare-t-il.

Cette flexibilité dans des délais courts pour une diffusion sur d’autres canaux ne plaît probablement pas toujours aux gérants de cinémas qui cherchent à garder le plus longtemps possible une projection rentable.» Une stratégie définie entre partenaires selon les attentes et le calendrier. Laurent Steiert voit davantage cette concurrence du VoD comme une offre complémentaire. De nos jours, il ne lui paraît pas réaliste, vu la demande et la diversité de consommation d’avoir quatre mois d’attente pour voir un nouveau film hors d’un cinéma. Une réglementation à la française n’est pas à l’ordre du jour.

Si Cinétoile ne nous a pas répondu sur cette problématique, du côté de Pathé Suisse, on tient un discours similaire à celui de Laurent Steiert: «Barbie est toujours très populaire auprès de notre public qui apprécie l’expérience dans nos salles à Lausanne et nous sommes convaincus que sa sortie en VoD renforce encore l'engouement pour ce film dans les salles de cinéma.»