Quand des malvoyantes dépistent le cancer du sein

SANTE • Des thérapeutes aveugles, spécifiquement formées au dépistage du cancer du sein, obtiennent des résultats très prometteurs. Inventée en Allemagne et complémentaire à la classique mammographie, la méthode fait l’objet d’un test pilote à Lausanne.

  • Les personnes qui ont un handicap visuel ont «leurs yeux au bout de leurs doigts» . DISCOVERING HANDS

    Les personnes qui ont un handicap visuel ont «leurs yeux au bout de leurs doigts» . DISCOVERING HANDS

Pour bien des femmes, surtout après 50 ans, âge où cet examen est recommandé régulièrement, la mammographie représente un moment plutôt peu agréable. Le sein est compressé, manipulé pour pouvoir être correctement radiographié et permettre ainsi aux rayons de détecter d’éventuelles anomalies. Pourtant, d’autres options, qui ne remplacent la mammographie mais la complètent, sont actuellement disponibles, ouvrant de nouvelles possibilités de dépistage.

Ainsi à Lausanne, «pretac+», une association sans but lucratif fondée à Genève, a lancé un projet pilote très prometteur, qui permet aux femmes intéressées de se faire manuellement palper les seins par deux professionnelles de santé, spécifiquement formées. Leur particularité? Ces deux «examinatrices manuelles tactiles» sont… malvoyantes ou aveugles: «Les personnes qui ont un handicap visuel ont leurs yeux au bout de leurs doigts, image Isabel Garcia-Gill, responsable de la communication de l’association pretac+. Elles sont capables de détecter des nodules ou même de toutes petites irrégularités du tissu mammaire puisqu’elles y consacrent toute leur attention en suivant une méthode très fiable et complémentaire de la mammographie et de l'échographie, contribuant ainsi à une détection précoce».

Une palpation moins invasive et moins anxiogène

La méthode, appelée «discovering hands», a été inventée il y a une dizaine d’années par des gynécologues allemands, avec des résultats attestés scientifiquement. Elle plaît en tout cas aux femmes, la palpation, d’une durée d’une heure n’étant pas invasive et se déroulant dans une atmosphère bien moins anxiogène qu’une mammographie.

De leur côté, les gynécologues commencent également à s’y intéresser. Au cours du semestre dernier, pour faire découvrir cette méthode à ses patientes, un spécialiste lausannois a ainsi organisé, en collaboration avec pretac+, des séances de palpation à son cabinet, une initiative reprise par un de ses collègues jusqu’à la fin du mois de février.

Une Lausannoise formée

Pour l’heure, en Suisse, deux examinatrices manuelles tactiles ont été formées en Allemagne, ayant décroché leur diplôme en juin dernier. Chacune d’entre elles a en outre réalisé un stage de sensibilisation aux Hôpitaux Universitaires de Genève. «C’est un métier nouveau qui me plaît beaucoup car il permet de contribuer à empêcher la survenue de cancers graves qui occasionnent tout de même des centaines de décès chaque année en Suisse, observe Suzanne Lucchese, une des deux nouvelles diplômées, «très malvoyante» et qui vit à Lausanne. Mais il n’en est qu’à ses balbutiements et il reste beaucoup à faire pour qu’il soit reconnu».

«Il y a également un enjeu pour ces femmes malvoyantes ou aveugles, ajoute Isabel Garcia-Gill. En se formant, elles acquièrent un métier nouveau, une place active et digne dans la société et enfin, viennent en aide à d’autres femmes. Tout cela va dans le sens d’une plus grande inclusion».

Les personnes intéressées à participer à une séance de palpation dans le cadre du projet pilote peuvent s’inscrire par email à l’adresse suivante: chrystele.schoenlaub@pretac.ch