"Sorry we missed you", une critique poignante du capitalisme débridé

Un constat amer et sans merci de cette ubérisation forcenée des travailleurs signé Ken Loach, et à la télé, de l'espionnage version british. Tels sont les 2 coups de coeur de notre chroniquer Thomas Lécuyer pour cette semaine

Sorry we missed you
Le titre du dernier film de Ken Loach évoque les petits papiers que laissent les coursiers venus livrer un colis en notre absence. En s’attachant à raconter l’histoire de ce père de famille au chômage qui décide de saisir sa chance en devenant coursier franchisé d’une grande société de livraison, le cinéaste, toujours aussi engagé socialement, semble tout d’abord nous livrer une œuvre plus apaisée, qui sent le bonheur, un bonheur très fragile, mais bien présent. Certes, la vie de Rick, Abby et leurs deux enfants, n’est pas rose tous les jours, mais ils ont la volonté de s’en sortir coûte que coûte et vaille que vaille, et puis ils sont ensemble, forts et lumineux. La détermination de Rick à leur offrir une vie meilleure impose le respect et provoque l’espoir, un espoir qui sera vite brisé par ce système de franchise façon «Uber», qui supprime de facto toutes les protections sociales de l’employé en lui laissant pour mirage l’illusion d’être indépendant. Ken Loach livre un constat amer et sans merci de cette ubérisation forcenée des travailleurs, qui les broient sans l’ombre d’un remords dans les rouages inarrêtables du capitalisme débridé de nos sociétés d’ultra-consommation. On assiste médusé à l’anéantissement d’un être humain et de sa famille sous les assauts d’un monde du travail ultra-libéralisé. Fort, poignant, et indispensable.

Kingsman Services secrets, samedi 26 octobre 22h35, RTS Un
Le réalisateur Matthew Vaughn taille un costard sur mesure au film d’espionnage et à l’acteur Colin Firth, aussi impeccable qu’inattendu dans le rôle décalé et physique d’un agent secret tiré à quatre épingles, mettant au service de Sa Majesté son humour particulièrement flegmatique et son imparable coup du parapluie. Bourré de gags irréverencieux, le film conserve toutefois une certaine élégance so british malgré son atmosphère explosive. Une des meilleures parodies du genre, très caustique et politiquement incorrecte, cool et bourrée de références pop, qui révéla au grand public l’acteur Taron Egerton, qui nous a ébloui depuis avec son incarnation d’Elton John.