Ces latitudes ont accueilli les explorateurs, les baleiniers, trappeurs et prospecteurs de toutes nationalités, fascinés par l’espace, la glace, la pierre et cette lumière qui exalte le paysage. Ils y ont aussi trouvé le silence et la solitude d’où surgit tout d’un coup la vie.
Déjà trois jours de navigation, et pas la moindre trace de l’ours polaire, seigneur de ces lieux. À bord du navire, l’impatience va grandissant. Scientifiques et passagers embarqués ont beau scruter la brume, tout ce que leurs jumelles perçoivent, ce sont quelques phoques et des vols de guillemots, eiders et autres sternes tourbillonnant autour du bateau. Ce n’est déjà pas mal. Le Macareux moine - qui doit son surnom de «Clown des mers» à son bec coloré - amuse les ornithologues. Mais voici qu’on annonce une surprise à bâbord. Précipitation vers les coursives. Aileron visible, souffle puissant et photogénique coup de queue final: c’est le show de deux baleines bleues, les plus grosses de l’espèce! Oui, mais l’ours? Qui sera le premier à percevoir l’imposante silhouette du roi de la banquise ?
À l’affût de la star
À bord, un naturaliste canadien, spécialiste des ours polaires, se veut rassurant: «Le dernier recensement effectué dans cette zone de la mer de Barents était de plus de 3 000 individus. Nous avons donc autant de chances d’en croiser bientôt que de voir des lions dans un safari africain. Cependant, avec la fonte de la banquise, il nous faut nous rapprocher de plus en plus du pôle Nord pour rejoindre le biotope de cet animal». À préciser que nous sommes au mois d’août, période où la débâcle atteint son paroxysme. C’est aussi la saison où il ne fait jamais nuit, ce qui explique le nombre d’observateurs encore à l’affût sur le pont, dans la lumière blafarde de minuit. Leur équipement - écharpe, bonnet, plusieurs couches de pulls sous l’anorak - en dit long sur la température ambiante.
Enfin, la vedette tant attendue fait son apparition face aux objectifs. D’abord minuscule, la tache jaunâtre devient visible à l’œil nu. L’approche discrète du bateau - jusqu’à moins de 15 mètres - va révéler la masse imposante d’un gros mâle juché sur son bloc de glace à la dérive. Un moment inoubliable qui se répétera à plusieurs reprises durant le périple, au grand bonheur des participants.