Elsa Zylberstein «Tout ce qu’a défendu Simone Veil est aujourd’hui en danger»

CINEMA • Elsa Zylberstein est éblouissante dans le biopic dédié à Simone Veil. L’actrice nous explique pourquoi ce rôle est si important pour elle.

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Lausanne Cités: Quelle était votre rapport avec la figure historique de Simone Veil avant de l’incarner ?

Elsa Zylberstein: Il se trouve que j'ai eu la chance de connaître Simone Veil, je lui ai remis un prix à l'Université hébraïque de Jérusalem il y a plus de dix ans. Je devais faire un discours devant sa famille, je ne connaissais d’elle que ce que tout le monde connaît et j'avais écrit quelque chose d’un peu enflammé, inconscient. Pour moi, c'était déjà un modèle de femme, évidemment.

Comment se prépare-t-on à incarner une telle personnalité, dont l’empreinte est si forte dans l’histoire?

C'est moi qui ai voulu ce film, j'ai essayé de le développer pendant huit ans. Je suis allée prendre un petit déjeuner avec Antoine Veil (le mari de Simon Veil, ndlr). Je lui ai dit que je voulais faire un film sur Simone. Et puis elle est décédée en 2017. Il a fallu du temps pour que les planètes s’alignent.

Alors ce n’est pas Olivier Dahan qui s’est dit qu’il vous verrait bien dans le rôle?

Non (rires). J’ai de suite pensé à Olivier. On s’est appelés, je suis allée chez lui le lendemain, il m’a dit «oui» de suite.

Comment vous êtes-vous préparée physiquement à rentrer dans la peau de cette figure historique?

J’ai tout arrêté pendant un an. Plus de tournage, rien. J’avais besoin de de laisser mûrir ce personnage. Je ne pouvais pas y aller comme ça. Pendant un an, j’ai laissé Simone Veil infuser profondément en moi. Pour avoir chaque pas, chaque inspiration, chaque battement de cils, chaque battement de cœur, une compréhension de la psyché et de l'intime, tu dois faire comme cela. Je devais comprendre ce qu’elle ressentait, ce qu’elle vivait intérieurement. Je me suis mise à parler comme elle, j'ai travaillé la voix, cherché ses intonations, avec des coachs. Ça a été une montagne de travail.

Vous n’avez pas eu peur de tomber dans l’imitation plus que dans l’interprétation, comme certains le font dans l’exercice du biopic?

Je ne me pose pas ces questions là quand je travaille. L'imitation, c'est quand même un peu réducteur. Je crois qu’une chose fondamentale à l'écran, c'est de toucher l'âme, de toucher la vérité. Ce qui compte, ce n'est pas tant que tu imites, c’est qu’à travers ton travail, la personne soit là, vraiment là. Ce qui compte, ce n’est pas que j’ai pris des cours, que je me suis mise à parler comme elle, que j'ai marché pendant huit mois avec ses chaussures. Ça, c'est à moi, c’est mon travail de préparation. Ce qui compte, c’est qu’elle soit là. Quand Meryl Streep fait Margaret Thatcher, quand je vois Gary Oldman en Winston Churchill, ils sont exceptionnels. On ne se pose pas la question. C'était plus ça, mes références d'incarnation. Je voulais devenir Simone Veil, la trouver, vraiment.

Comment avez-vous envisagé le travail d’interprétation de la même personne sur différents âges?

De 38 à 87 ans, c’est la même personne, mais pas la même voix. Le travail commence d’abord là. La vérité du cinéma c’est le gros plan, le regard. Voir si, dans mes yeux, j’ai Simone Veil.

Le devoir de mémoire porte un éclairage sur les secousses du présent. Ce qui frappe quand on sort du film, c’est de se rendre compte à quels points tous les acquis issus des combats de Simone Veil sont fragiles… le droit à l’avortement, la construction européenne…

Ce n'est pas un film politique, mais par la force des choses, c’en est devenu un. Ce qui est troublant, c'est que, par exemple, le film devait sortir en février avant que Warner ne le décale en octobre. Et de voir ce qui se passe aux Etats-Unis, comment l'histoire fait écho au film, c'est fou. Je ne pensais pas qu'en Espagne, en Pologne, en Amérique, tout d'un coup, l'avortement serait remis en question. C'est épouvantable.

Est-ce qu'il y a quelqu'un aujourd’hui pour remplacer Simone Veil et incarner ses combats?

Je n'ai pas l'impression, non.

«Simone, le voyage du siècle», sorti le 12 octobre.