Gérard Jugnot: «Je me sens plutôt équilibré par rapport à tous les fadas de ce métier»

RENCONTRE • Figure incontournable du cinéma français, Gérard Jugnot est à l’affiche de la comédie «Pourris Gâtés», dans le rôle d’un père de famille richissime qui décide de donner une leçon de vie à ses trois enfants un peu trop installés dans le luxe. De passage à Lausanne, il nous parle de cinéma, de famille, d’humour et d’équilibre.

  • Gérard Jugnot revient sur le grand écran avec la comédie «Pourris gâtés». HOFER

    Gérard Jugnot revient sur le grand écran avec la comédie «Pourris gâtés». HOFER

Lausanne Cités: En psychanalyse, une des clés pour être un adulte équilibré est d’être réconcilié avec l’enfant qu’on a été. N’est-ce pas au final le message de «Pourris Gâtés»?

Gérard Jugnot: L’enfant est le père de l’homme. Mon personnage s’attelle à restaurer sa maison d’enfance avec ses enfants, et donc la symbolique est simple, claire. C’est quelqu’un qui a besoin de reconstruire ses bases, de retrouver l’envie, l’enfant qu’il était, et le père qu’il n’est plus.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet?

Ce film m’a touché car il y a beaucoup d’amour dedans. Il est aussi très bien écrit et très drôle. J’aime aussi le fait que mon rôle soit un peu en retrait, le personnage témoin des spectateurs, et pas le plus burlesque du film. Et ça m’a permis de retrouver mon ami François Morel.

Est-ce que vous seriez prêt à faire la même chose que votre personnage pour donner une leçon à votre fils, si c’était nécessaire?

Heureusement, je n’ai pas eu trop ce genre de soucis avec Arthur. Il a toujours su garder les pieds sur terre, il est directeur de théâtre, comédien et metteur en scène, il fait de la magie... Il est dans le concret, conscient des choses. Il n’y a que sur l’alimentation qu’on a des désaccords! Et je pense que j’ai été bien plus présent que le papa du film, même si pas assez.

Quand on arrive à votre niveau de notoriété, comment garder les pieds sur terre?

Avec la bande du Splendid, on gérait tout nous-mêmes, on a construit trois théâtres. Dans le deuxième, on a fait neuf mois de travaux de plaques de ciment, de l’électricité, de la plomberie. C’est du concret. On a eu la chance de ne pas sortir du Conservatoire et d’aller direct à la Comédie Française avec loge privée et habilleuse. C’est nous qui allions au pressing. On balayait la scène. On faisait la billetterie, la réservation, on réparait des lampes. On a toujours eu les mains dans le plâtre et c’est ça qui me plaît. Je me sens plutôt équilibré par rapport à tous les fadas de ce métier.

Et puis vous faites toujours plein d’autres métiers que celui de comédien ...

C’est vrai, je ne me sens pas acteur. Je crois que je suis un homme de spectacle. Je fais de la radio, j’écris, je mets en scène, je produis, je réalise. Réaliser un film, c’est monter à chaque fois une petite entreprise.

La bande du Splendid était aussi un peu un environnement protecteur?

Ça nous a beaucoup protégés, jusqu’à ce qu’on se sépare. Professionnellement, ça a été très protecteur et en même temps un peu frustrant parce qu’on ne peut pas dire «je». On a dit «nous» pendant longtemps. Il fallait corriger et prendéquire aussi chacun son chemin.

Est-ce que vous pourriez faire «l’humour du Splendid», dans lequel tout était permis, aujourd’hui?

C’est vrai qu’on ose moins rire de tout. Je pense en revanche que cette liberté d’expression s’est reportée sur la sexualité. On ose plus parler de cul. Et en rire aussi! Alors qu’on ose moins rire de ce qui est social, politique… sans parler du religieux! Il y a une autocensure. À l’époque, on pouvait dire du mal des curés. C’était même bien vu de bouffer du curé. Mais bouffer de l’imam, ou du rabbin, c’est moins bien vu maintenant.