Johannes Hartmann a pris la roue de son grand-père

PETITE REINE • Johannes Hartmann est l’âme de Tandem. En 14 ans, l’Allemand et ses amis ont fait de ce magasin de cycles lausannois, dont la surface vient de doubler, une adresse romande incontournable du e-bike.

  • Tout réussit à Johannes Hartmann. Après la rénovation du magasin Tandem Riviera en 2019, Tandem Lausanne a doublé de volume ce mois-ci. PYTHON

    Tout réussit à Johannes Hartmann. Après la rénovation du magasin Tandem Riviera en 2019, Tandem Lausanne a doublé de volume ce mois-ci. PYTHON

Le directeur et co-fondateur de Tandem a un mélange de douceur et de volonté au fond du regard. Sa société, qui compte aujourd’hui deux boutiques et 27 employés, écoule plus de 1000 e-bikes par année, ce qui en fait le plus important acteur de la région Lausanne-Riviera. Sa boutique lausannoise à l’avenue de Montchoisi vient de rouvrir avec une surface doublée... Soit 1000 m2!

Johannes Hartmann est né en 1979 dans un village de la région de Francfort. Il est le cadet d’une fratrie de trois qui va quotidiennement à l’école à vélo. Papa est ingénieur dans la construction de chemin de fer et maman une éducatrice très présente. Une figure tutélaire l’est presque davantage qu’elle encore dans la famille. Il s’agit de Karl Heinz, le grand-père maternel de Johannes Hartmann. «Il m’a marqué comme entrepreneur et comme homme. Il avait fait la guerre dans la Wehrmacht sur le front russe mais il parlait peu de cette expérience dont il était revenu maigre comme un clou. Mon grand-père était de cette génération qui a permis à l’Allemagne de se relever», se souvient admiratif Johannes Hartmann. L’homme a construit sa PME de couvreur dans une ambiance de paternalisme bienveillant en partant de rien et l’a fait prospérer jusqu’à faire vivre une quarantaine d’employés!

A Lausanne grâce à une fille

Son petit-fils ne sait pas encore qu’il suivra cette trace quand sa famille enchaîne les séjours de ski dans les Alpes, ni que sa trajectoire passera aussi par cet amour de la montagne. «La neige et surtout les sommets me fascinaient sans que je me l’explique» confesse celui qui, jeune homme se lance avec succès dans des études supérieures de gestion d’entreprise. Ce cursus le mènera jusqu’en Grande-Bretagne. La Suisse, elle, entre dans sa vie en 2003. Cet hiver-là, le jeune Allemand officie comme moniteur de ski à Crans-Montana. C’est dans la prestigieuse station valaisanne qu’il rencontre son ami Pierre Dormal, un Belge avec qui il lancera le bien nommé magasin Tandem.

En 2004, à 25 ans, Johannes intègre les CFF à Bâle. Il y passera quatre ans. Le jeune homme a sous ses ordres une trentaine de personnes. Sa carrière semble toute tracée mais la désillusion face à une première drastique restructuration de l’ex-régie fédérale, le laisse désenchanté. «J’avais envie de changer quelque chose dans le monde de la mobilité mais cela ne me semblait plus possible aux CFF. A l’époque, Pierre était vendeur de voitures à Genève et ce job ne l’épanouissait plus. Quand il m’a parlé, un jour de blues, de lancer un magasin de dépôt-vente de matériel sportif, une lumière s’est allumée dans mon esprit. Dix jours plus tard, je démissionnais. Pierre était un peu surpris mais on s’est mis à chercher un local sur Lausanne, ville que nous avions choisie car c’est là qu’habitait sa copine (rires)!»

«Électrisés» dès le début

Les deux compères s’associent à un ami, ancien moniteur de Montana comme eux, Léonard Farine, et dégottent leur actuelle boutique. Ses 500 m2 leur semblent parfaits. Chez Tandem au début, le vélo tient une place importante mais sans plus. On trouvait dans ce «cabinet de curiosités» un tapis de course, des trainings ou même un parachute mais aussi quelques bicyclettes neuves. «On a vendu un vélo électrique le jour de l’ouverture le 24 mai 2008. Pierre y tenait. En écrivant notre business plan, je n’avais de mon côté fait aucune place à ce genre de produit que je trouvais hideux mais qui est devenu aujourd’hui notre spécialité, confesse Johannes Hartmann. La première année, on a vendu une soixantaine d’e-bikes. Au total, nous sommes désormais à plus de 7200!» En été, la boutique se focalise sur le vélo et l’hiver sur le ski. Les choses fonctionnent si bien que le trio ouvre un second magasin à Vevey en 2012. «Notre idée était de n’y faire que du vélo électrique car Bosch venait de se lancer dans la motorisation et ce signe montrait qu’il y avait là un marché prometteur.»

Vers un véritable SAV

En 2014, Pierre Dormal quitte l’aventure. «Les premières années, on avait vécu comme dans un rêve. Tout nous réussissait et cela nous a obligé à nous structurer d’une manière qui ne nourrissait plus suffisamment l’incroyable créativité de Pierre.» L’esprit de leader et la fibre d’efficacité allemande de son ami Johannes s’épanouissent en revanche à merveille dans cet univers. L’agrandissement qui vient d’être réalisé accompagne la prochaine étape que franchira Tandem. «Notre idée est de mettre sur pied un véritable service après-vente comme il en existe dans l’automobile. Les e-bikes sont des machines complexes, nécessitant un entretien que seul des professionnels peuvent faire et qui risque de prendre du temps ailleurs faute de préparation», explique Johannes Hartmann tandis qu’une employée passe discrètement à côté de lui.

Rien ne distingue cette comptable des autres. C’est pourtant son épouse et la mère de leur deux enfants, Rosalie, huit ans et Maxime, dix ans. «Au travail, on préfère rester dans une relation très professionnelle mais Jeannette reste la clé de ma vie. Elle est Haut-Valaisanne de Loèche. Je l’ai connue à Crans-Montana lors d’une fête en 2009 comme quoi beaucoup de choses se passent là-haut pour moi», constate en riant l’heureux mari. Cette manière de faire contraste avec l’ambiance décontractée régnant à Tandem. Dans les ateliers, des hamacs sont suspendus pour les pauses. Chaque jeudi, lors des beaux jours, des sorties cyclistes informelles sont organisées entre employés et clients fidèles. Le magasin propose même de goûteuses bières brassées à sa gloire en Bavière. «Elles sont produites dans le village d’origine de mon père. Nous n’avions pas envie qu’on soit un simple magasin…»