Michael Kinzer: «Nous vivons une période dure et sombre mais la culture redonne de l’espoir»

CULTURE • Après deux ans de pandémie, les théâtres, les salles de spectacles et de concerts, s’apprêtent à vivre une saison à peu près normale. Normale, vraiment? Nous avons tenté de répondre à la question avec Michael Kinzer, chef du Service de la culture de la Ville de Lausanne.

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Lausanne Cités: Quel est le bilan de l’été culturel lausannois?

Michael Kinzer: On peut se réjouir de la vitalité de la scène culturelle et de sa renaissance après deux années en suspens. Ce n'était pas acquis. Il y avait beaucoup d’inconnues, notamment au niveau de l'intérêt public. Par ailleurs, Lausanne a toujours eu une politique culturelle très engagée pour offrir à sa population l’accès à un grand nombre d’événements, marqués par une ouverture esthétique et une diversité culturelle qui s’adressent à tous les publics.

Vous pensez que la culture est un outil d'inclusion sociale?

Complètement. Que ce soit au travers du partage au sens artistique comme au sens sociétal, si l’on tient compte du langage, de nos comportements, de nos coutumes, la culture est un extraordinaire créateur de liens et d’échanges. Notre société est culture. Ce rapprochement des différents publics est un des défis majeurs de notre politique culturelle. S’assurer que l’offre soit diffusée au plus grand nombre, dans les quartiers, qu’elle soit créatrice de mixité. Se pose évidemment la question de la politique tarifaire, mais aussi celle de la légitimité. Notre objectif est de contribuer à aider le public à se sentir légitime, à vouloir découvrir et s’approprier cette offre, à comprendre qu’il est le bienvenu.

Le public est de retour. N’a-t-il pas changé depuis la fin de la crise sanitaire?

On a vu un retour en masse du jeune public, du public festif et du public festivalier. Le public plus régulier, celui des institutions, des théâtres, les abonnés, les seniors ne sont pas encore tous revenus. Il y a une certaine baisse de fréquentation qui pourrait peser sur cette rentrée culturelle. Je pense qu’une partie de la population est dans un certain attentisme, par déshabitude ou par prudence en lien avec les questions sanitaires, avec les incertitudes géopolitiques et énergétiques, entre autres.

Il y a beaucoup d’autres projets en cours, comme la rénovation du Théâtre de Vidy, la Maison du Cinéma au Capitole, le renouveau du Romandie, le projet musical des Jumeaux au Flon... Ne pensez-vous pas que cela risque de surcharger une offre déjà très riche?

Depuis quatre à cinq décennies, Lausanne a développé une offre culturelle forte et marquante. Cela fait partie de l’ADN de la ville. Tous ces nouveaux projets s’articulent autour de besoins identifiés et documentés, ils se basent sur les intérêts du public, sur ses attentes, sur la complémentarité entre les lieux existants. Ainsi, quand on considère le développement de cet écosystème musical dans le quartier élargi du Flon, on est vraiment dans un bouillonnement qui fait écho au dynamisme créatif, à l'intérêt du public et au manque évident d'infrastructures depuis la fermeture du Romandie notamment.

Après 15 ans d’absence, les grands concerts ont fait leur retour au stade de la Pontaise avec Soprano au mois de juin dernier. C’est aussi de la culture?

La question ne se pose pas, bien sûr que oui. La Ville se réjouit de voir proposés dans son offre des grands rendez-vous populaires. La rénovation de Beaulieu, le plus grand théâtre de Suisse, s’inscrit dans cette optique. La Salle Métropole propose aussi une offre importante en matière de divertissement grand public et la Vaudoise Arena viendra progressivement compléter ce panorama de l'offre culturelle.

Vous ne mettez pas d’un côté la culture et de l’autre le divertissement?

Globalement, pour moi, la culture est bien plus large que les disciplines artistiques, elle infuse notre quotidien. Et en ce sens-là, une offre très contemporaine cohabite très bien avec une offre plus fédératrice ou festive, pour former un tout, une seule et même vie culturelle.

On dit que la culture est un miroir de nos sociétés. Que percevez-vous dans son reflet?

Nous vivons une période dure et sombre, avec des perspectives floues sur ce que pourraient être nos lendemains. Cette dureté s'est retrouvée dans les langages artistiques de ces dix dernières années. On y a ressenti une vision tendue du futur. On voit qu'on y est aujourd'hui. Mais l’art permettra aussi de nous redonner espoir et confiance, de nous permettre d’inventer ensemble des perspectives pour un monde à même de faire face aux défis qui nous sont aujourd’hui posés.