A Vidy, on exorcise le colonialisme

«Carte noire nommée désir» est un manifeste afroféministe en noir et blanc qui marque un nouveau territoire. A découvrir au Théâtre de Vidy dès le 6 octobre.

PERFORMANCE • Dans les années 90, «Carte Noire, un café nommé Désir» était un slogan publicitaire. Depuis 2021, «Carte noire nommée désir» est un manifeste afroféministe en noir et blanc qui marque un nouveau territoire. La metteure en scène et autrice Rébecca Chaillon en définit les pourtours: il y a «nous» et «le reste du monde». «Carte noire nommée désir» commence par une blague en forme de point d’interrogation sur les boissons chaudes, le colorisme et le colonialisme. Elle devient la fabrication d’une communauté sur scène entamant un voyage initiatique poétique de réappropriation de leur Histoire de femmes noires dans un pays qui n’est pas décolonisé de ses imaginaires.

Ensemble, les huit interprètes multiples mais unifiées, se transforment sans cesse, elles sont des Alices trop souvent inadaptées au monde et glissent dans un long tunnel avec à chaque bout, leur affreux-passé et leur afro-futur. Le temps y est distordu, interminable et insaisissable.

Elles interrogent l’hypersexualisation et l’exotisation de leurs corps, elles interrogent leur aliénation à la blanchité et l’histoire coloniale, elles interrogent leur visibilité et leur invisibilité en France et bordures, elles interrogent les modèles avec lesquelles elles grandissent, elles interrogent leur communauté noire sur le besoin de respectabilité et les secrets de famille qui brouillent toutes perspectives de projection. C’est une tentative d’œuvre performative d’empuissancement qui n’épargne ni les oreilles ni les yeux. Et qui donne clairement à réfléchir...

«Carte noire nommée désir», Théâtre de Vidy, Lausanne, du 6 au 9 octobre, www.vidy.ch