Taoua et Bel-Air, mêmes enjeux

URBANISME • Bel-Air il y a 80 ans, Taoua  aujourd’hui, avec un référendum prévu le 13 avril prochain. La polémique autour des tours sous le regard de l’historien Bruno Corthésy. 

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Lausanne Cités: Bel-Air dans les années 30, Taoua à Beaulieu aujourd’hui, les tours suscitent visiblement la polémique...

Bruno Corthésy:En fait, historiquement il y a eu très peu de tours à Lausanne. Après le Bel-Air Métropole dans les années 30, il n’y a eu plus rien. Jusqu’aux années 60 où on a construit plusieurs édifices dont la tour Edipresse et la tour Georgette. Puis, de nouveau plus rien, jusqu’au début des années 90. Les Zurichois et les Bâlois, dans la vague du capitalisme débridé, ont relancé les idées de gratte-ciel... A Lausanne, cela a donné Taoua...

Quelles similitudes peut-on trouver dans ces projets?

En réalité, le constat est toujours le même:les tours ne répondent pas à des besoins pratiques, mais d’abord à des raisons symboliques. On a beau invoquer la rareté des terrains, le besoin de concentrer les services dans un même endroit, ça ne tient pas la route...

Quelles sont les motivations symboliques qui ont poussé à Taoua?

En premier lieu, il s’agit de ressusciter le site de Beaulieu en l’associant à un emblème architectural fort. Derrière Taoua, il y a le Comptoir suisse, avec ses enjeux économiques et symboliques, car il a toujours été un bastion du radicalisme vaudois. Enfin, pour les architectes et les entrepreneurs, une tour est le symbole le plus évident de leur savoir-faire...

Et à l’époque pour Bel-Air?

En 1930, construire Bel-Air ne répondait à aucune nécessité pratique, sans enjeu d’occupation du territoire puisque Lausanne était une toute petite ville! L’enjeu symbolique était d’abord pour la richissime famille Scotoni de Zurich à l’origine du projet et qui était en pleine phase de croissance. Ensuite, à Lausanne, mettre en avant  la place Bel-Air visait à concurrencer Saint-François, ce qui  n’a jamais marché du reste. 

Quelle différence majeure voyez-vous entre les deux projets?

Incontestablement, la dimension écologique. Aujourd’hui on vit avec le sentiment que le territoire est rare, sans cesse grignoté, et qu’une tour peut compenser ce grignotage par la verticalité. Le seul hic, c’est que les tours n’ont aucune vertu en matière d’économie d’énergie, bien au contraire! Elles ont un impact 30% supérieur  en termes de coûts de construction, de consommation énergétique et de recyclage, le jour où il faudra les détruire! L’incohérence du discours d’aujourd’hui sur le plan écologique est à ce propos pitoyable. n

«La tour Bel-Air, Pour ou contre le premier gratte-ciel à Lausanne», Bruno Corthésy, éditions Antipodes 1997.