Comment la Ville de Lausanne traque au quotidien les fuites d’eau

DISTRIBUTION • Chaque année, plus de deux millions de m3 d’eau sont perdus en raison de fuites dans le réseau de distribution. Cette perte, limitée à 6 à 7% de l’approvisionnement, place Lausanne parmi les bons élèves de Suisse romande. Explications.

  • Interventions, réparations, pose de nouvelles canalisations sont intégralement prises en charge par le Service de l’eau. VILLE DE LAUSANNE

    Interventions, réparations, pose de nouvelles canalisations sont intégralement prises en charge par le Service de l’eau. VILLE DE LAUSANNE

«Maintenir le taux de renouvellement de notre réseau est vraiment la base si l’on veut limiter les pertes d’eau» Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de l’eau

C’est une constante, une norme: tout réseau d’alimentation en eau potable enregistre des fuites. L’enjeu pour les distributeurs est de limiter celles-ci au maximum, alors que pointent les affres du réchauffement climatique avec en sus des risques de pénurie. Dans cet exercice, Lausanne fait office de bon élève. En 2022, son réseau de distribution d’eau, qui dessert pas moins de 20 communes et un bassin de population de 250'000 âmes, n’enregistrait «que» 6 à 7% de fuites, soit 2,2 millions de mètres cubes de perdus, sur les 32 distribués.

Un chiffre qui peut paraître énorme mais qui représente en réalité une très belle performance. «Notre pourcentage de perte primaire est d’un peu plus de 12%, alors que la moyenne suisse est de 14% et européenne de l’ordre de 23%, observe ainsi Sébastien Apothéloz, chef du service de l’eau à la Ville de Lausanne. On peut toujours être meilleur bien sûr, mais nous avons atteint un optimum en faisant une pesée d’intérêts qui tient également compte des coûts que cela implique».

Comment expliquer un tel résultat d’autant que le réseau lausannois compte… 930 kilomètres de canalisations, dont le diamètre varie de 15 cm à 1 mètre et avec une moyenne d’âge de 39 ans? La première explication est que la Ville mène une chasse impitoyable aux fuites d’eau et à plusieurs niveaux. D’abord une analyse en continu de la consommation du réseau par grandes zones permet de détecter les grandes anomalies. Ensuite deux personnes sont affectées à plein temps à la localisation des fuites, à l’aide d’une méthode acoustique qui a fait ses preuves: disséminés un peu partout, des capteurs fixes ou mobiles «écoutent» les canalisations et déclenchent une alarme dès qu’un certain seuil est dépassé. A l’inverse des réseaux d’évacuation d’eaux usées en effet, impossible en raison de la pression qui y règne d’y exercer une surveillance par vidéo.

Au final, une centaine d’interventions sont ainsi réalisées chaque année par l’équipe du génie civil, pour des fuites d’ampleur variable, certaines pouvant être résolues très rapidement, d’autres impliquant une première réparation d’urgence suivie d’une remise en état dans les jours ou semaines qui suivent.

10 km remplacés chaque année

«Nous repérons également les fuites qui relèvent du domaine privé – une petite centaine -, mais avant les compteurs, ajoute Sébastien Apothéloz. Nous avertissons les propriétaires qui ont ensuite la responsabilité d’effectuer les réparations».

Outre le repérage et le colmatage des fuites, l’autre grand axe d’action est l’entretien du réseau. «Maintenir le taux de renouvellement de notre réseau est vraiment la base si l’on veut limiter les pertes d’eau explique le municipal Pierre-Antoine Hildbrand, directeur de la sécurité, de l'économie et de l'eau. Il est important de rester à jour, car chaque retard sera bien plus difficile à rattraper. Résultat: chaque année 1,25% du réseau est remplacé, soit 10 kilomètres, pour un coût total de 10 millions de francs.

Et plusieurs critères entrent en ligne de compte pour décider quelle partie du réseau sera renouvelée: il y a l’âge des canalisations bien sûr, attendu qu’une durée de vie moyenne de 80 ans est la norme, leur historique et leurs caractéristiques (matériau, etc.) mais aussi des modélisations statistiques qui permettent de prévoir la probabilité de rupture dans les 5 années à venir.

«Renouveler une canalisation implique également de prendre en compte des critères autres que techniques, ajoute Sébastien Apothéloz. Il faut analyser les conséquences en cas de casse, par exemple en fonction du nombre de personnes éventuellement impactées mais aussi de travailler en coordination avec les chantiers engagés par d’autres services».

«Il est important de limiter les pertes d’eau dans le circuit de distribution, conclut Pierre-Antoine Hildbrand, et nous allons du reste augmenter le nombre de capteurs acoustiques capables de repérer les fuites. Mais il faut aussi relativiser les enjeux car notre eau est prise du lac et y retourne en cas de fuite, sans aucun dégât pour l’environnement, puisqu’elle est saine et propre».

Lausanne et 18 autres communes

Grâce aux lacs de Bret et Léman ainsi qu’à une centaine de captages, le Service de l’eau dispose de ressources variées permettant de produire en tout temps une eau d’excellente qualité alimentant Lausanne et 18 autres communes dont il a obtenu la concession pour la distribution de l'eau potable ainsi que de l'eau nécessaire à la lutte contre l’incendie. En plus, le service fournit également de l’eau à une quarantaine de communes et associations intercommunales. Au total 21’000 raccordements en eau potable à Lausanne et dans les communes alimentées au détail et à peu près tout autant de compteurs permettent d’acheminer et de compter l’eau dans les bâtiments. En 2021, les volumes d’eau livrés à la clientèle alimentée au détail, c’est-à-dire mesurées aux compteurs d’eau des bâtiments, ont été de près de 24 millions de m3 pour une moitié sur le territoire lausannois et pour l’autre sur les autres communes. En plus de produire et de distribuer l’eau, le service s’assure que le milieu naturel et notamment les cours d’eau lausannois soient protégés de toute pollution en évacuant correctement les eaux usées.