C'est à son domicile lausannois que nous reçoit Julia*. Tout juste âgée de dix-neuf ans, la jeune femme est timide. Lorsqu'elle doit se raconter, elle prend le temps de peser ses mots. Un peu comme si elle se livrait pour la première fois. «Dans la région, je n'ai pas vraiment quelqu'un à qui parler de cette situation. Mes amis ignorent tout de ce que je fais et mes camarades universitaires aussi, c'est évident. Je n'en ai pas forcément honte, mais je veux éviter les questions dérangeantes. Je préfère gérer mon petit business seule et sans rien devoir à quiconque.»
Retour en Espagne
L'élément déclencheur a été le départ de ses parents pour aller vivre une retraite dans le sud de l'Espagne. «Avant je vivais avec eux et quand ils sont partis, j'ai dû me débrouiller toute seule. Ils m'ont dit que je n'avais qu'à travailler pour payer mes études. Avec un poste de caissière dans un supermarché, je n'aurais jamais réussi à vivre comme je le fais actuellement. Alors je me suis dit, je vais poster une annonce sur un site avec quelques photos coquines et puis, de là, tout a commencé.»Très vite, le téléphone sonne pendant notre entretien. Julia est très demandée. Les semaines où elle n'a pas cours, elle peut enchaîner une quinzaine de rendez-vous. Et financièrement, la jeune espagnole d'origine s'en sort plutôt très bien avec une moyenne de 6000 frs par mois. Le problème est ailleurs. «Je peux payer mes factures et mes fringues sans problème et je ne bosse pas quarante heures par semaine. De ce côte-là, je n'ai pas à me plaindre. J'ai juste peur à chaque nouvelle rencontre. Je ne connais pas les hommes qui vont venir à mon domicile et finalement je suis un peu sans défense, même si j'ai un spray au poivre planqué dans ma table de chevet.»
Taxes trop élevées?
Au terme de notre rencontre, Julia* nous confie que d'autres étudiantes de l'Université de Lausanne pratiquent également la prostitution occasionnelle à domicile. Si elles ne représentent pas la norme, ces filles soulèvent cependant la question fondamentale de la hausse des taxes universitaires déjà effective dans certaines écoles en Suisse allemande. Même si à Lausanne, on affiche une position contraire. «Nous avons toujours été très clairs et nous ne souhaitons aucune augmentation des taxes, précise Géraldine Falbriard, attachée de presse de l'Université de Lausanne (UNIL). Concernant le phénomène des étudiantes qui se prostitueraient, nous n'avons aucun chiffre à ce propos. Il faut savoir qu'elles sont majeures et donc libres de faire ce qu'elles veulent. Cela ne nous regarde pas.»Mathias Reynard, jeune conseiller national valaisan, s'est depuis toujours engagé pour éviter une hausse des taxes des universités. Il met en garde contre les conséquences d'un renchérissement des études. «Je me bats pour un accès garanti à la formation. Il y a une volonté affichée par certaines écoles d'augmenter ces frais. Je pense que la situation va se compliquer dans les mois et années à venir. D'autant qu'actuellement, la majorité des étudiants travaille déjà. Ce n'est pas évident de concilier ceci avec des études efficaces. Ajouter à cela la baisse des bourses accordées et on se retrouve avec une situation qui inquiète de nombreuses personnes. Ça part un peu dans tous les sens.»