«Est-ce qu’on attend qu’il y ait un mort pour réagir?»
Maria, riveraine et maman de deux enfants
Il est presque midi ce lundi matin aux abords de la route de la Claie-aux-Moines. En moins d’une heure, 48 camions déboulent à toute vitesse sur ce secteur normalement limité à 60 km/h. Sans compter les voitures, les motos et les tracteurs. Derrière ses airs de paisible route de campagne, ce tronçon est un véritable cauchemar pour les habitants. Depuis qu’elle y a acheté un appartement en 2010, Maria*, maman de deux enfants, n’arrive ainsi tout simplement plus à dormir: «La semaine, le premier poids-lourd passe aux alentours de 6h05 et cela se poursuit jusqu’à 17h30. Je travaille à la maison en tant que graphiste mais impossible de me concentrer. J’ai dû acheter un casque Pamir qui est généralement utilisé par l’armée suisse. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour m’isoler et ne pas devenir folle. Je vous assure que nous sommes nombreux dans cette situation, mais personne ne nous écoute.»
Alors que Maria décrit sa situation, deux autres habitants s’approchent et confirment en chœur: «C’est vrai qu’il est impossible de dormir normalement et de pouvoir ouvrir les fenêtres. Et nous n’allons jamais sur notre terrasse car comment se poser et lire un bouquin quand il y a un tel trafic? Les autorités ne peuvent pas faire disparaître ces camions qui viennent principalement de la zone industrielle de Savigny, mais elles pourraient au moins poser un revêtement phonoabsorbant pour limiter le bruit!»
Patate chaude
Problème, le tronçon de la Claie-aux-Moines fait partie du réseau de base. Ce qui implique une responsabilité partagée entre le canton de Vaud, la commune de Lausanne et celle de Savigny.
Au sein de cette dernière, le municipal en charge des routes, Gilbert Regamey, semble ignorer totalement la situation: «Il y a du trafic comme partout. Je ne sais pas combien de camions transitent chaque jour, mais je le concède, quand il y a des travaux sur l’autoroute, le trafic passe par là. Poser du revêtement phonoabsorbant pourrait être une solution, mais cela coûte cher et ce sont les autorités cantonales qui doivent décider.» Ce que réfute Nicole Schick, porte-parole au sein de la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud: «Pour les riverains, il y a lieu de s’adresser au Service route et mobilité de la ville de Lausanne qui est propriétaire de l’infrastructure en traversée de localité. Et auprès de la commune de Savigny.»
Nous nous tournons donc vers Patrick Etournaud, chef du Service lausannois des routes et de la mobilité. Des mesures vont-elles être prises? On en est loin: «L’an dernier, nous avons reçu des plaintes liées au bruit que faisaient les camions en franchissant un passage pour piéton nouvellement réalisé. Ce passage a été rectifié depuis, et le bruit anormal a cessé. Nous n’avons pas reçu d’autres plaintes depuis, et il n’y a pas à notre connaissance de mesures de modération planifiées dans le secteur.»
Bataille de chiffres
L’autre difficulté consiste à établir un diagnostic. Pour cela, il faudrait que les chiffres correspondent entre la Ville et le canton. Ce qui n’est pas le cas. Pour Nicole Schick, il y aurait 7900 véhicules dont 250 à 300 camions par jour. Alors que Patrick Etournaud avance une autre estimation: 8800 véhicules pour 400 camions. Maria n’est pas étonnée: «Les autorités s’en fichent, car les élus et autres chefs de service n’habitent pas aux abords de cette route. Si c’était le cas, ils comprendraient l’enfer que nous subissons au quotidien. Je ne laisse plus mes enfants jouer sur la place de jeu de notre résidence car j’ai peur qu’ils aillent chercher un ballon sur la route et qu’un camion arrive. C’est extrêmement dangereux! Est-ce qu’on attend qu’il y ait un mort pour réagir?»
La situation semble donc bel et bien bloquée. Et elle pourrait même s’aggraver, car le trafic augmente chaque année de 1,2%. Pas de quoi donc apaiser le quotidien des riverains…
*nom connu de la rédaction