Les concierges lausannois expriment leur ras-le-bol face aux incivilités

SALETE • Employés par les régies, les concierges sont les garants du bon ordre et de la propreté de nos immeubles. Rencontrés sur les paliers lausannois, ces derniers racontent l’envers du décor, peu reluisant et exténuant.

«Les mauvais comportements des locataires, c’est toute l’année!» Manu*, concierge de longue date

«Dans le temps, on avait un concierge très sévère qui avait un jardin très soigné. Maintenant cela ressemble à un terrain de foot» lance Béatrice, qui habite le même immeuble du quartier Sous-Gare depuis plus de 50 ans, avec une note de nostalgie dans la voix. Depuis quelques années, le poste a été remplacé par une société de nettoyage. «C’était un lien, une aide, on pouvait lui demander des petits services» regrette-t-elle.

Parfois il y avait des accrochages entre le concierge et certains locataires parce que ceux-ci ne respectaient pas son travail. Des saletés, des détritus, des bouteilles cassées, le concierge était là pour remonter les bretelles. «Tandis qu’aujourd’hui pouf, c’est par terre et je laisse par terre» déplore-t-elle, avant d’ajouter: «Aujourd’hui, il faut voir dans quel état sont les ascenseurs! Des grattures, des inscriptions sur les murs, des mégots par terre.» Et encore, elle n’habite pas le pire quartier de Lausanne…

«C’est les fêtes, les gens sont bourrés. Il y en avait dans toute l’allée…» lance Manu*, concierge de longue date, s’affairant à nettoyer le reste des gouilles de vin dans l’ascenseur. Un locataire pressé qui aurait par mégarde renversé sa bouteille? Manu, indigné, n’est pas de cet avis: «Les taches le prouvent: la personne a traversé l’immeuble avec sa bouteille à la main, goulot vers le bas.» Seulement voilà, pas vu pas pris, et le décrassage est pour la pomme du concierge.

Ce genre d’incivilités est-il spécifique aux périodes de congés? Réponse sans équivoque: «Bien sûr, cela arrive les week-ends, mais les mauvais comportements des locataires, ce n’est pas qu’en périodes de congés, c’est toute l’année!»

Des caves prises pour des urinoirs

La plupart des concierges avec lesquels nous avons discuté dénoncent de mêmes comportements incongrus de la part de locataires: certains, décidément sans gêne, vont même jusqu’à faire leurs besoins dans les parties communes en sous-sol. Cela pourrait paraître aberrant puisque les propres toilettes de ces locataires indélicats ne se trouvent à quelques secondes d’ascenseur, que même une envie très pressante est à priori surmontable.

Et là encore, nos concierges sont unanimes: ces locataires le feraient bel et bien exprès, un peu comme un sport. «Un jour j’ai fini par en attraper une, eh oui, c’était une dame!» confie Léo*, concierge de plusieurs immeubles. La locataire toute honte bue, lui a seulement rétorqué «J’ai bu trop de bières, je n’ai pas pu me retenir» et s’en est allée rejoindre son logement, sans même un mot d’excuses.

«Un jour les locataires m’appellent car l’ascenseur est aspergé de vomi. Pas le choix, j’ai dû nettoyer» raconte Katia* qui s’occupe d’un immeuble non loin du centre-ville. Après avoir mené sa petite enquête et grâce à un voisin témoin, le responsable est vite identifié et Katia sonne à sa porte. «C’était tard, j’étais bourré» lance le jeune homme en lui claquant la porte au nez. «Je n’ai rien pu obtenir de plus» regrette Katia.

Longue liste

Des déchets insérés dans le trou de l’ampoule, des graffitis sur les murs, des traces de mains ou de pieds sur des vitres qui viennent juste d’être nettoyées, des chiens que leurs maîtres laissent déféquer sans ramasser leurs crottes, ou encore simplement des détritus jetés par terre. La liste est longue et les concierges ont tous à cœur de dénoncer ces agissements.

«C’est un manque de respect pour nous et pour notre travail. Alors que nous mettons tous nos efforts pour faire régner l’ordre et la propreté dans vos immeubles» s’indignent plusieurs d’entre eux.

*prénoms fictifs, identités connues de la rédaction

Que font les régies?

Contactée, l’Union Suisse des Professionnels de l’immobilier (USPI) se dit tout à fait au courant du problème. Elle prône la prévention plutôt que la sanction en incitant les régies à installer par exemple des lumières qui s’allument au passage ou en engageant plutôt que des sociétés de nettoyage des concierges, qui par leur présence, dissuadent de tels actes. «Les immeubles locatifs subissent des déprédations plus ou moins graves. Celles-ci vont des simples tags et graffitis aux dégâts sur les ascenseurs, les boîtes aux lettres ou dans les caves. Nous déposons systématiquement des plaintes» avertit Nicolas Daïna, directeur de Gérance Robert Crot & Cie SA à Lausanne.