«Le football est le seul jeu vraiment universel»

Philippe Leuba • Avant d’être Conseiller d’Etat PLR et chef du département de l’Economie et du Sport, Philippe Leuba a été arbitre de football international de 1999 à 2004. Rencontre avec un grand passionné qui va suivre la Coupe du Monde d’un œil averti.

  • Le 13 mars 1999, Philippe Leuba est l’arbitre du match Servette-Bâle. DR

    Le 13 mars 1999, Philippe Leuba est l’arbitre du match Servette-Bâle. DR

Vous êtes du genre à suivre les matchs au bureau ou au milieu de la nuit?
Philippe Leuba: Malheureusement je n’aurai pas le temps de le faire avec ma charge professionnelle. Cela dit, il n’est pas exclu que je puisse assister à deux matchs au Brésil car j’ai été accrédité par la FIFA. Bien sûr, je suivrai aussi l’équipe suisse tant que possible. D’ailleurs, la vie économique et politique du pays s’arrêtera probablement pendant que la Suisse jouera. C’est une belle preuve de l’enthousiasme que peut générer ce sport.

De l’enthousiasme certes mais aussi beaucoup de souffrances à en croire les échos qui viennent du Brésil. Vous y êtes sensible?
Je lis la presse et je vois les revendications sociales qui utilisent la Coupe du Monde comme caisse de résonnance. Le football étant profondément humain, il s’ancre dans une réalité humaine. Evidemment de nombreux milieux souhaitent profiter de ce retentissement, parfois de façon légitime, parfois un peu moins.

De qui êtes-vous fan?
Je ne suis pas dans l’idolâtrie. J’ai arbitré trop de grands joueurs pour savoir qu’il y a, entre l’idole et l’être humain, un fossé géant. Mais, je soutiens tout de même l’équipe anglaise de Fulham depuis 20 ans. J’étais dans le stade avec eux lorsqu’ils ont passé beaucoup d’étapes clés.

Qu’est-ce qui vous passionne tant dans ce sport?
Son universalité puisqu’il est pratiqué de la même manière partout sur le globe. Le football est en fait quasiment naturel, même un enfant qui apprend à marcher sait taper dans un ballon. C’est probablement aussi pour cette raison que cette discipline provoque une passion populaire si forte. C’est un moteur de l’existence qui fait avancer le monde au risque de tomber parfois dans l’excès le plus complet.

Vous pensez à des excès d’argent?
Il n’y a jamais eu autant d’argent dans le football. Ce n’est pas néfaste en soi. La question est de savoir ce qu’on en fait. L’UEFA et la FIFA font de très gros bénéfices qu’ils redistribuent très largement dans les pays africains en voie de développement. C’est une spirale positive!
Il y a aussi des spirales négatives, notamment avec le salaire des joueurs!
Je suis d’accord. L’amour de l’argent chez les footballeurs est trop souvent supérieur à celui du maillot. Mais il y a des exceptions ! Regardez Ryan Giggs, il est toujours resté dans la même équipe de Manchester United même si on lui a proposé bons nombres de contrats plus gros.

Le canton de Vaud tire-t-il un grand profit des sièges de la FIFA et de l’UEFA qui y sont installés?
Evidemment, le bénéfice pour la Suisse d’abriter ces institutions est extraordinaire. On estime à 1’400, les places de travail générées dans le Canton par des fédérations internationales sportives. A titre de comparaison, on parlait de tsunami économique quand Novartis voulait supprimer 300 postes. Sans compter que le sport offre 300 millions de retombées fiscales. Vous n’imaginez même pas la concurrence que nous fait Londres ou Monaco pour accueillir ces sièges.

A quoi le foot vous a-t-il servi dans votre vie quotidienne?
J’ai l’habitude de dire que l’arbitrage est la seule école valable pour devenir politicien. Ca vous apprend à prendre des décisions rapidement et les assumer immédiatement avec modestie. Lorsque vous arbitrez des matchs sur le plan international, l’exposition médiatique et populaire n’est pas facile à assumer. Surtout lorsque vous vous êtes trompé et que la télévision le montre à des millions de téléspectateurs.  Il faut alors accepter la critique sereinement. Ca ressemble à la politique, non ?