Chronique: Et si on écoutait ce que Yusuf Kulmiye veut nous dire?

Yusuf Kulmiye est né à Sierre, dans une famille d’immigrés soudanais. Il a grandi, ici, en Suisse. Il y a fait toutes ses écoles et suit actuellement un cursus universitaire en sciences politiques à l’université de Lausanne. Si l’homme a le sens de la formule choc en laissant entendre qu’à Lausanne le racisme est partout, il sait aussi peser ses mots quand il le faut.

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RACISME • Les Lausannois, et tout particulièrement leurs policiers, sont-ils des racistes qui s’ignorent? A lire l’interview du conseiller communal Yusuf Kulmiye dans les colonnes de Lausanne Cités la semaine dernière, on pourrait le croire. Interviewé pour réagir à la récente parution d’un rapport d’experts de l’ONU sur la Suisse, qui dénonçait un racisme systémique dans notre pays ainsi que le «profilage racial» pratiqué par la police, l’élu socialiste n’a en tous cas pas mâché ses mots. «A Lausanne, le racisme est partout, c’est évident!», a-t-il notamment laissé entendre. Un constat tranchant, sans équivoque, qui vient corroborer celui de ces experts et ceux – nombreux – qui ont émané ces derniers mois de différents collectifs antiracistes nés à la suite du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis.

Un témoignage de plus, dont on pourrait dire qu’il est exagéré, influencé, mais qui résonne toutefois autrement quand on regarde de près la trajectoire personnelle de celui qui en est à l’origine. Yusuf Kulmiye est né à Sierre, dans une famille d’immigrés soudanais. Il a grandi, ici, en Suisse. Il y a fait toutes ses écoles et suit actuellement un cursus universitaire en sciences politiques à l’université de Lausanne. Cela fait cinq ans qu’il s’est engagé en politique, ce qui lui a notamment permis de devenir, outre conseiller communal, Secrétaire général du PS lausannois, membre du syndicat SSP et membre de l’ASLOCA. En termes d’engagement citoyen, difficile, à son jeune âge, de faire mieux! Si l’homme a le sens de la formule choc en laissant entendre qu’à Lausanne le racisme est partout, il sait aussi peser ses mots quand il le faut. Comme quand il raconte, par exemple, comment, lorsque le réalisateur Fernand Melgar avait dénoncé le deal de rue dans le quartier du Maupas en 2018, il a vécu en tant que personne de couleur quelques épisodes significatifs. «Chaque soir, quand je me baladais dans le coin, j’étais systématiquement arrêté par des policiers qui me demandaient mes papiers. Juste parce que j’étais noir, cela s’appelle du profilage racial.» Tout en précisant qu’il ne dit pas que la police est raciste au sens strict du terme, mais qu’en revanche il y a eu des situations qui ont amené à certaines tragédies et qu’elle doit, comme le reste de la société, s’adapter aux mutations sociales encours.

Les témoignages de contrôles d’identité répétés, de comportements déplacés à l’endroit des personnes racisées émergent de plus en plus. Et, on le voit, pas seulement de la part de personnes qu’on aurait tôt fait de taxer de marginales. C’est dans ce contexte que Yusuf Kulmiye a décidé d’interpeller la municipalité pour qu’elle donne à ses agents les outils nécessaires pour les aider à favoriser le dialogue et à les sensibiliser à l’interculturalité. Au-delà des préjugés, voire d’une réalité qui peut tous nous amener parfois à faire des amalgames. A ce seul titre, cette demande, comme son témoignage, méritent au moins une écoute attentive.