«La Soupe populaire n’est pas 
une zone de non-droit»

INQUIÉTUDES • En novembre dernier, des employés de la Soupe populaire dénonçaient dans nos colonnes leurs conditions de travail. Alors que des témoignages continuent de nous parvenir, Barry Lopez, président du Conseil de la fondation Mère Sofia, qui gère la Soupe populaire, répond sans détours à nos questions.

«Toute institution peut affronter des difficultés ponctuelles, la Soupe comme 
les autres»

Lausanne Cités:Nous continuons à recevoir des témoignages en particulier de bénévoles, mentionnant des dysfonctionnements au sein de la Soupe populaire. Comment l’expliquez-vous?
Barry Lopez: Je pense qu’il faut mettre en perspective le pourcentage de mécontents par rapport aux milliers de bénévoles qui travaillent pour la Soupe durant toute une année. Il y a peut-être aussi un effet d’entraînement dû à l’article paru dans vos colonnes et certains se disent: «eh bien moi aussi je veux m’exprimer!».  
 
Tout va donc bien à la Soupe?
Oui, nous avons beaucoup travaillé pour résoudre les tensions nées de la période du covid et les intervenants, qu’ils soient salariés et bénévoles, disposent de multiples canaux pour faire remonter les problèmes qu’ils rencontrent.
 
De quels canaux disposent les bénévoles et les employés pour communiquer leurs problèmes?
Nos procédures sont très claires et les possibilités multiples: pour nos employés, la première possibilité est de parler à son responsable, puis si besoin à la direction, au sein de laquelle une personne se consacre spécifiquement à ces questions. Ensuite, nous avons un contrat avec la Clinique du travail à Morges qui est à disposition du personnel, en tout temps. Il se trouve que depuis le mois de juin 2022 nous n’avons enregistré aucune demande. Pour les bénévoles, à chaque fin de service, un débriefing est organisé avec eux. Chacun peut s’y exprimer ou solliciter à tout moment un entretien individuel ultérieur ou encore nous contacter ensuite par téléphone ou par mail. Enfin, moi-même, je préside le Conseil de fondation depuis six mois - j’y siège d’ailleurs depuis des années -, et je suis toujours à l’écoute: on peut me contacter à tout moment.
 
Certains témoignages remettent spécifiquement des personnes au sein de l’équipe dirigeante de la Soupe… N’y a-t-il pas un problème de management interne?
Toute institution peut affronter des difficultés ponctuelles, la Soupe comme les autres. Mais nous n’avons pas de problème structurel. Même s’il peut arriver qu’il y ait, comme partout, une situation conflictuelle entre des personnes, l’équipe en place est soudée, elle fait un travail brillant et les objectifs sont atteints. J’ajoute que certaines personnes travaillent à la Soupe depuis plus de 10 ans…
 
L’une des doléances fréquemment entendues se rapporte à la sécurité du personnel. On parle de bagarres récurrentes, de couteaux cachés, etc.
La Soupe n’est pas une zone de non-droit. Toute violence, verbale ou physique, en est exclue. De plus, comme partout ailleurs, tout comportement sanctionnable pénalement entraînerait l’intervention de la police de Lausanne avec laquelle nous sommes signataires d’une convention.  Combien de plaintes la police a-t-elle enregistrées en lien avec la Soupe? Aucune.

Pourquoi ne pas recruter des agents de sécurité? Cela rassurerait le personnel et les bénévoles.
Au Répit (autre institution sociale lausannoise gérée par la fondation Mère Sofia, ndlr), nous l’avons fait mais dans l’urgence pour gérer une situation de pénurie de places dans les lieux d’hébergement. A la Soupe populaire, nous n’avons pas ce problème, car nous pouvons offrir un repas chaud à tous ceux qui le demandent. De manière générale, il y règne une atmosphère de respect. Bien sûr, si un jour tout le monde devait venir avec des couteaux, nous réévaluerions la situation.
 
Quel est votre public type?
Par vocation, la Soupe est un refuge pour toutes les personnes en précarité sociale et économique, et donc ouverte à tout le monde. Nous y recevons tous les profils, des personnes sans-papiers, des personnes âgées, des familles avec des enfants, des étudiants…
 
Pour encadrer un tel public, ne devriez-vous pas mieux sélectionner vos bénévoles?
L’engagement bénévole au sein de la Soupe ne nécessite pas de compétences particulières, toute personne souhaitant prêter main forte est la bienvenue et le bénévolat est un moyen qui permet de favoriser l’engagement citoyen. De notre côté bien sûr, nous encadrons les bénévoles, c’est le rôle de nos collaborateurs. Chaque soir, c’est environ quatorze bénévoles qui sont présents et nous acceptons maximum quatre nouveaux. Le service commence par un briefing, nous leur expliquons les spécificités du public et leurs rôles. Ils sont présents pour assurer la distribution du plat chaud et soutenir la logistique.
 
Finalement, la Soupe a-t-elle  les moyens financiers et humains de répondre à une mission sociale de plus en plus exigeante?
Bien sûr! Nous avons de quoi offrir à toute personne qui en a besoin, un repas chaud. Désormais, nous accueillons le public le samedi à midi, en plus de nos horaires habituels. Nous faisons face aux besoins en nous développant en conséquence, mais il est vrai que l’augmentation de la précarité reste un défi de taille.