Rejet du nouveau Stade de Coubertin: entre partis pris et approximations

MÉTAMORPHOSE • Le 
7 mars, à la suite des critiques émises par la commission du Conseil communal, le projet de transformation du Stade Pierre-de-Coubertin était gelé par la Ville. Dans cette affaire, les Verts sont apparus comme ses grands pourfendeurs, usant de critiques sujettes à caution.

  • Le projet du futur Stade Pierre-de-Coubertin tel qu’il avait été initialement présenté par la Municipalité . dr

«Le secteur du stade ne présente pas un intérêt prépondérant d’un point de vue de la protection de la nature»
Denis Rychner, porte-parole de la DGE

La décision prise par la Municipalité de retirer son préavis consacré à la transformation du Stade Pierre-de-Coubertin, sous pression de la commission qui avait jugé le projet «démesuré» et «lacunaire», a provoqué la consternation, notamment dans les milieux de l’athlétisme lausannois. Dans Lausanne Cités, (édition du 18 mars), le directeur d’Athletissima, Jacky Delapierre faisait part de son agacement. Dénonçant «une méconnaissance du projet», il résumait la situation ainsi: «Nous vivons un schisme avec la réalité sportive du quotidien, ses besoins et les manœuvres politiques».
Qu’en est-il exactement? Les critiques principales concernaient essentiellement deux aspects du projet, son coût et le fait qu’il portait atteinte à l’environnement. 
Lausanne Cités s’est donc penché plus en détail sur celles-ci. En ce qui concerne l’environnement et l’atteinte à la biodiversité, les Verts ont ainsi affirmé que le projet prévoit d’abattre 286 arbres, ce qui est vrai, mais en omettant de dire au passage qu’il prévoit, en compensation, d’en planter plus de 400 nouveaux, soit d’en augmenter le nombre de 114; qu’il est une menace pour la biodiversité, «coincé au nord à moins de dix mètres d’un site inscrit à l’inventaire de reproduction des batraciens et, au sud, à dix mètres des rives du lac» et,  enfin, «qu’il est une menace en termes d’émissions lumineuses et sonores dommageable à la biodiversité». Pour en avoir le cœur net, nous avons contacté la Direction générale de l’environnement du Canton de Vaud.
Non inscrit à l’inventaire
Son conseiller en communication, Denis Rychner, a tenu à d’abord  souligner que la consultation du dossier par les services cantonaux n’avait pas encore démarré. Il confirme toutefois que «le secteur du stade n’est ni inscrit à l’inventaire des monuments naturels et des sites, ni à proximité d’un site de reproduction des batraciens porté à un inventaire fédéral. Il ne présente dès lors pas un intérêt prépondérant d’un point de vue de la protection de la nature. Le secteur ne présente pas non plus d’intérêt particulier en matière de renaturation des rives du lac». Il ajoute toutefois qu’un «site inscrit à l’inventaire cantonal, d’importance locale, est répertorié en bordure des ruines romaines, à une centaine de mètres du stade», et non à dix mètres comme les Verts l’affirment. «Les mesures nécessaires pour minimiser les impacts sur ce site devront être établies dans l’élaboration du projet, souligne-t-il. Elles seront ensuite analysées lors de la consultation du dossier par les services cantonaux».
En ce qui concerne les émissions lumineuses, Denis Rychner précise simplement que le projet devra être conforme à l’article 35, alinéa 5, de la Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager qui stipule que «l'éclairage public et publicitaire est conçu, aménagé et utilisé de sorte à limiter les impacts sur la faune et favoriser le paysage nocturne naturel (…).»
Sans expertise officielle, il apparaît donc difficile, comme l’affirment les Verts que «l’organisation d’événements tel qu’Athletissima imposerait des intensités lumineuses démesurées vu la sensibilité des milieux naturels situés le long des rives du lac» (lire encadré ci-dessous). Entre la réalité des faits et l’analyse qu’ils en font, on navigue beaucoup entre approximations et partis pris.
Estimation
L’autre critique concerne le coût du projet, le PLR évoquant un «lifting à plus de 65 millions» de francs, les Verts et leurs alliés d’extrême gauche ajoutant qu’une telle dépense pour une utilisation à pleine capacité un seul soir par année lors d’Athletissima n'était «pas acceptable». Vraiment exorbitant ce coût? Contacté, Jacky Delapierre ne veut plus, pour l’instant, s’exprimer sur le sujet estimant que le dossier est en mains de la Municipalité. Le syndic Grégoire Junod tient quant à lui à remettre l’église au milieu du village.
«Le chiffre de 68,5 millions est encore une estimation (...) Mais c’est un devis réaliste pour un stade de 
12 000 places qui puisse accueillir de grandes manifestations, répondre aux besoins des clubs et demeurer un espace ouvert à tout le monde.» Et de préciser encore: «Le projet répond aux exigences minimales de World Athletics, la  Fédération internationale d’athlétisme, pour accueillir des événements de niveau international tels que le meeting Athletissima. Il n’y a pas d’équipements superflus. On a notamment renoncé à la construction de loges». Reste que les commissaires veulent en réduire le coût à 30-40 millions. Une demande irréaliste aux yeux du syndic «pour l’accueil de grandes manifestations qui requièrent notamment une tribune couverte et une piste d’entraînement intérieure. On peut bien entendu se contenter de rénover Coubertin au minimum ou de faire un projet plus modeste, ajoute-t-il. Mais on devra se passer de grandes manifestations et d’Athletissima. C’est aussi ce choix que devra trancher le Conseil communal.»
Dans ce contexte, il faut ajouter que, dans une lettre adressée à la Municipalité, le Stade Lausanne et Lausanne-Sport Athlétisme soulignent que renoncer à un nouveau stade «serait désastreux pour les clubs dans un contexte où les exigences s'accroissent. L'athlétisme est un sport qui se pratique toute l’année. Il permettra aux quelque 500 membres actifs et 300 enfants, qui en utilisent plusieurs fois par semaine les infrastructures, de poursuivre leur rêve, leur passion».
Se pose enfin la question de l’avenir de la Pontaise, certains commissaires déplorant «un manque de vision» et «deux projets (qui)auraient dû être coordonnés», cela alors qu’il y a une demande des milieux du patrimoine de classer la Pontaise et que c’est au Canton qu’il revient d’en prendre la décision. Grégoire Junod tient ainsi à rappeler que la Municipalité travaille sur des variantes qui permettraient (…) d’en conserver une partie au moins des qualités patrimoniales. S’il devait finalement être classé, il se montre très clair sur les conséquences d’une telle décision: «Nous ne pourrons plus rien faire du tout. Sa rénovation comme stade d’athlétisme coûterait sans doute le même prix que le projet que nous défendons pour Coubertin, mais nous priverait de nombreux logements. Du point de vue économique, urbanistique, social et sportif, ce serait une aberration.»

Les Verts lausannois persistent et signent

Contactés, les Verts lausannois, par le biais du conseiller communal Valéry Beaud, nous ont apporté les réponses suivantes à nos remarques et interrogations:

Lausanne Cités: Vous affirmez que 286 arbres seront abattus, omettant de dire au passage que le projet prévoit, en compensation, d’en planter plus de 400 nouveaux, soit d’en augmenter le nombre de 114. Pourquoi?
Valéry Beaud: Ces nouveaux arbres sont une maigre compensation, car il faudra des décennies pour atteindre une valeur équivalente aux arbres abattus, en termes de paysage, de biodiversité, de surface de feuillage et de services écosystémiques. Avant de compenser, il faut donc préserver un maximum d’arbres majeurs existants.

Vous affirmez aussi que ce projet est une menace pour la biodiversité, notamment car il est «coincé au nord à moins de dix mètres d’un site inscrit à l’inventaire de reproduction des batraciens». Ce site n’apparaît toutefois pas dans la «bible» fédérale, référence en la matière, sauf au niveau cantonal où on évoque un petit site d’intérêt local situé à 100 mètres au moins du stade…
Il suffit de consulter le guichet cartographique cantonal: un objet de l’Inventaire des sites de reproduction de batraciens d’importance locale est situé à moins de dix mètres au nord du stade projeté. Au sud, le projet vient à moins de dix mètres des rives du lac, un milieu sensible et apprécié de la population qui doit être préservé. Le site est donc inadapté pour recevoir une infrastructure d’une telle ampleur. Le stade doit être rénové dans son emprise actuelle.

Vous affirmez aussi qu’il est une menace en termes d’émissions lumineuses et sonores dommageable à la biodiversité. Or, vous savez bien que ce projet devra être conforme à l’article 35, alinéa 5, de la Loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager. Pourquoi avancez-vous des faits qui n’ont nullement été confirmés?
Regardons les faits: la loi sur la protection de l’environnement (LPE) impose une limitation préventive des émissions lumineuses. Or l’organisation d’événements tels qu’Athletissima imposerait des intensités lumineuses démesurées vu la sensibilité des milieux naturels situés le long des rives du lac.