«Des Romands ont permis à des sourds de retrouver l’ouïe»

DOCUMENTAIRE • Il y a 50 ans, des scientifiques romands ont participé à l’aventure incroyable de l’implant cochléaire, un appareil qui restitue l’ouïe à des sourds. Journaliste au sein de notre rédaction, Charaf Abdessemed vient de leur consacrer un documentaire.

  • L’implant cochléaire a changé la vie de centaines de Romands. En médaillon, Charaf Abdessemed, le réalisateur du documentaire. DR

    L’implant cochléaire a changé la vie de centaines de Romands. En médaillon, Charaf Abdessemed, le réalisateur du documentaire. DR

Lausanne Cités: Un implant cochléaire, c’est quoi ?

Charaf Abdessemed: C’est un dispositif qui à l’extérieur ressemble à un appareil auditif mais qui comporte une deuxième partie qui a été placée dans le crâne par un chirurgien. Son but est de permettre à des personnes sourdes ou malentendantes d’entendre à nouveau.

Pourquoi avoir choisi de lui consacrer un documentaire?

Parce que cet appareil est un vrai miracle technologique. Même des enfants nés sourds ont pu apprendre à parler et à entendre grâce à lui! L’autre élément que beaucoup de gens ignorent, c’est que des Romands ont joué un rôle capital dans le long processus de recherche qui a permis sa mise au point. La fondation romande des malentendants, qui a financé ce documentaire, a estimé important de recueillir les témoignages de ceux qui ont participé à cette aventure hors norme.

Quel rôle ont-ils joué précisément?

Il y a une cinquantaine d’années, un professeur en médecine suisse, Pierre Montandon chef du service d’ORL des HUG, réussit à faire venir depuis les Etats-Unis des prototypes d’implants cochléaires. Rien que cela, c’était un exploit car les Américains ne faisaient de loin pas confiance à tout le monde. Ensuite, il a monté une équipe qui a travaillé pour améliorer le codage informatique des sons et miniaturiser ces implants.

Avec des résultats sur les patients?

Bien sûr, puisque le premier patient implanté en Europe l’a été à Genève! C’est toute cette aventure que raconte le documentaire qui explique le cheminement qui a conduit à passer d’un appareil qui avait la taille d’une armoire, à un minuscule dispositif qu’on peut porter sur l’oreille. Le documentaire donne également la parole à un des tout premiers implantés, qui a été une sorte de «star patient». Albanophone, il a appris le français grâce à l’implant et a été la preuve vivante que cela fonctionnait.

Étonnamment, apprend-on dans le documentaire, beaucoup de sourds se sont opposés à l’implant cochléaire…

Oui, mais on ne peut le comprendre que si on comprend l’histoire des sourds. Durant des siècles, ils ont été brimés, fait l’objet d’expérimentations hasardeuses qui voulaient les forcer à parler etc. Difficile de leur demander de faire confiance à la science après cela… C’est aussi l’autre objectif de ce documentaire: lever les malentendus, les craintes et les faux espoirs pour que les parents qui choisissent d’implanter leur enfant le fassent en tout connaissance de cause.

Propos recueillis par Virginie Gardini

«L’aventure de l’implant cochléaire en Suisse», produit par forom écoute, la fondation romande des malentendants. Disponible en libre accès sur www.youtube.com