«Un élu est plus exposé en raison de ses opinions» Marlène Bérard, cheffe de groupe PLR
Ceux qui en suivent les débats sur Sonomix ont pu le constater à plusieurs reprises. Les discussions au Conseil communal de Lausanne peuvent être parfois très hautes en couleur, voire même houleuses, et des dérapages, rares heureusement, peuvent y être observés. On peut ainsi y traiter un Municipal de nazi, avancer des bobards ou des inepties grosses comme la lune, en toute impunité. C’est un tantinet folklorique, cela fait partie du jeu démocratique surtout pour des politiciens de milice, mais depuis quelques années, les fronts se durcissent et les cas de Valéry Beaud ou de Benoît Gaillard, tous deux poursuivis au pénal pour deux affaires différentes, en témoignent.
Aussi surprenant que cela puisse paraître en effet, à l’inverse de leurs collègues élus fédéraux ou cantonaux, les conseillers communaux ne bénéficient d’aucune immunité pénale dans l’exercice de leur mandat politique. Comme tout un chacun, ils doivent donc rendre compte de leurs propos devant la justice en cas de plainte contre eux.
S’exprimer librement…
«L’immunité parlementaire a pour but de permettre aux députés de s’exprimer librement sans crainte de devoir faire face à une responsabilité juridique pour les propos tenus ou les écrits produits dans le cadre de leur fonction politique, explique le politologue René Knüsel. Cette exception est limitée à un nombre restreint de personnes. C’est probablement la raison pour laquelle l’immunité ne s’applique qu’aux conseillers d’Etat et aux grands conseils cantonaux et aux élus fédéraux. L’étendre aux élus communaux a probablement été jugé exagéré en raison du nombre de personnes à prendre en considération et des enjeux moindres sur le plan communal».
Enjeux moindres? Dans le passé peut-être. Mais alors qu’aujourd’hui les villes gèrent des projets extrêmement complexes, pour des montants souvent faramineux et à la confluence d’intérêts parfois colossaux, la question de l’immunité des conseillers communaux, du moins dans une cité comme Lausanne, à elle seule plus peuplée que le canton du Jura, semble tout à fait légitime. «Même si le nombre d’affaires susceptibles d’être concernées est faible, l’idée de réfléchir à la question et les conséquences actuelles d’une absence d’immunité au plan communal, comme celle de son éventuelle introduction, mérite un approfondissement juridique et politique» ajoute ainsi René Knüsel.
Une rare unanimité
Evidemment, les partis représentés au Conseil communal se montrent, par la voix de leurs chefs de groupes que nous avons tous contactés, favorables à une telle perspective, même si l’affaire Valéry Beaud (lire encadré) alimente les soupçons d’opportunisme politique. «Notre mission est déjà suffisamment compliquée avec une importante charge de travail pour des politiciens de milice, il faut donc veiller à ne pas décourager les vocations et protéger la fonction, en accordant aux élus communaux une immunité même si cela ne veut évidemment pas dire que ces derniers pourront commettre des délits», explique le socialiste Louis Dana. «Je suis favorable à ce qu’il y ait un régime d’immunité analogue à celui en vigueur pour les élus cantonaux, c’est-à-dire qu’il soit assorti d’une possibilité de levée par les pairs, en cas notamment de violation de la norme pénale contre le racisme», renchérit Johann Dupuis d’Ensemble à gauche.
Même constat à droite: «En l’absence d’immunité, il existe le risque de chercher à réduire au silence des opinions qui contribuent au débat, observe l’UDC Valentin Christe. Mais évidemment, la liberté de parole ne doit pas être détournée pour diffamer autrui».
«On sait bien qu’un élu est plus exposé en raison de ses opinions, il faut donc une certaine protection et nous y sommes tout à fait favorables, ajoute la PLR Marlène Bérard. Sauf que tout ceci ne doit pas se faire dans le cadre d’une instrumentalisation politique comme c’est le cas dans l’affaire Valéry Beaud.»
Code pénal suisse
Reste que la mise en place d’une telle immunité ne relève ni des communes, ni du canton: «Le code de procédure pénal suisse mentionne à son article 7 alinéa 2 que les cantons peuvent prévoir d’exclure ou de limiter la responsabilité pénale des membres de leurs autorités législatives et judiciaires ainsi que de leur gouvernement pour des propos tenus devant le Parlement cantonal, explique Vincent Duvoisin, patron de la Direction des affaires communales et droits politiques à l’Etat de Vaud. A contrario, le code de procédure pénal ne laisse pas place à une éventuelle immunité des autorités communales pour les propos tenus devant le Conseil. Cette thématique ne sera dès lors pas traitée dans la révision de la loi sur les communes».