«En mangeant du chocolat, on favorise l’esclavage»

LITTERATURE • L’écrivain et militant lausannois Samy Manga signe avec «Chocolaté» une autofiction virulente à l’encontre des «hommes blancs» qui exploitent les planteurs de cacao africains. Entretien sans langue de bois.

Sous nos latitudes, le chocolat est instinctivement associé au plaisir, à la gourmandise et au réconfort. Au Cameroun, pays où se déroule l’histoire de «Chocolaté», la réalité est nettement plus sombre. La pauvreté des producteur de cacao y côtoie le travail forcé des enfants et la déforestation massive. Pour les pays producteurs africains qui ne touchent qu’une infime fraction des milliards engrangés chaque année par l’industrie, la culture du cacao a décidément un goût bien amer.

Lausanne Cités: Il faut être un peu fou pour s’attaquer au chocolat quand on travaille et habite en Suisse, plus particulièrement à Lausanne?

Samy Manga: (rires) Pas forcément, car quand j’ai débuté ce livre en 2018, je vivais au Cameroun et je ne savais pas encore que je vivrais un jour en Suisse, le pays du chocolat par excellence.

Quelle est la part vécue par le petit Samy Manga dans votre livre?

Elle est importante car, enfant, j’ai travaillé dans ces plantations. J’y ai constaté les dérives de ce capitalisme international du chocolat. Ce dernier ne fait qu’exploiter les travailleurs et la planète pour maximiser ses profits. En tant que militant écologiste, j’ai eu envie de dénoncer cette triste réalité.

Donc quand on mange son carré de chocolat en Suisse, on contribue à cette exploitation?

Totalement, on favorise une forme d’esclavage moderne. En tant que consommateur, on a une responsabilité.

C’est-à-dire?

Je crois beaucoup à la sobriété dans notre façon de consommer. Chaque Suisse mange onze kilos de chocolat par année, s’il réduisait cette quantité à six kilos, par exemple, cela serait très bénéfique pour la planète, mais aussi pour les planteurs de cacao qui seraient moins mis sous pression.

Selon le Conseil international du cacao, les multinationales du chocolat ont réalisé un chiffre d’affaires de plus de 100 milliards de dollars en 2021. Et les cultivateurs de cacao n’ont touché que 2% de ce montant...

C’est révoltant. Il est temps que les multinationales soient moins gourmandes et fassent preuve d’une certaine sobriété économique.

A qui s’adresse finalement votre livre? Aux politiciens pour qu’ils empoignent ce problème ou au grand public?

Il s’adresse à la nation humaine. Aussi bien aux politiciens qui ont ce pouvoir de changer les choses, qu’au grand public et aux cultivateurs de cacao.

«Chocolaté», Samy Manga, éditions Ecosociété. Disponible en librairies.