Le vieux lion n’a pas dit son dernier mot

JEAN ZIEGLER• Il vient de fêter ses 80 ans, mais a gardé l’âme et l’allant d’un jeune combattant. En présentant une nouvelle édition revue et remaniée de «Retournez les fusils!», il démontre qu’il n’a perdu ni sa fou-gue, ni sa pugnacité. Et qu’il ne changera jamais!

  •  Jean Ziegler. DR

    Jean Ziegler. DR

Disons-le d’emblée! A l’instar de la plupart des intellectuels engagés, Jean Ziegler s’est parfois - souvent diront certains - trompé. Et il a parfois aussi - souvent? - mal choisi non pas fondamentalement ses combats, mais soutenu aveuglément ceux qui étaient censés les personnifier. L’échec cuisant de quelques mirages fourvoyants qu’il a soutenus, propagés et justifiés, sont là pour le prouver: Cuba et Fidel Castro, la Libye et Khadafi le Zimbabwe et Mugabe. Pour ne citer que les exemples les plus criants!

La veuve et l’orphelin

Mais, il faut lui laisser une chose: durant toute sa vie, contre vents et marées et contrairement à d’autres, il sera resté fidèle à ses engagements - marxistes en l’état - de la première heure. Ceux qui l’ont vu, très jeune déjà, prendre la défense de la veuve et de l’orphelin, lutter contre les «oligarchies capitalistes transcontinentales» qui règnent sur le monde et œuvrent de manière «radicalement contraire aux intérêts de l’immense majorité des habitants de la Terre», s’attaquer à «l’oligarchie bancaire receleuse d’argent sale» ou encore à la Banque mondiale, au FMI et à l’OMC, qu’il n’a jamais hésité à qualifier de «Chevaliers de l’Apocalypse».

Des années après la parution de ses premiers ouvrages, certains faits montrent qu’il avait sacrément raison. Un seul exemple: «Une Suisse au-dessus de tout soupçon» paru en 1976. Il y dénonçait les profits des multinationales suisses aux dépens des plus pauvres, le secret bancaire et la colonisation des institutions helvétiques par les milieux financiers. Le spectacle que donnent certaines banques de notre pays, aujourd’hui encore, en sont a posteriori autant de preuves accablantes!

Les malheurs du monde

Jean Ziegler n’est pas une girouette et ne connaît que peu la nuance. Il est comme ça. Jusqu’à son dernier souffle, il restera donc éternellement révolté par les injustices et les malheurs du monde et le criera haut et fort. Tel Saint Michel terrassant le Dragon, il foncera toujours droit devant. Avec tous les risques et les excès que cela comporte.

Ce rebelle éternel, ce cabotin doublé d’un séducteur hors pair, publie aujourd’hui une version remaniée et actualisée de son «Retournez les fusils!» publié en 1980. Une nouvelle fois, il nous pousse à nous interroger sur la manière de transformer le monde et invite le citoyen responsable à prendre position.

Non, le vieux lion n’est pas encore mort. Et c’est tant mieux pour le débat démocratique comme pour le brassage d’idées.

«Retournez les fusils», nouvelle version, Jean Ziegler, Editions du Seuil