Taxes universitaires: ce que cachent les augmentations

  • En annonçant une hausse substantielle des taxes universitaires, le patron de l’EPFL asuscité un véritable tollé.
  • Beaucoup dénonçent une véritable marchandisation des études en Suisse.
  • Des taxes élevées signent en réalité l’inscription des hautes écoles dans la mondialisation de l’enseignement.

  •  L’EPFL, une école d’élite et un ticket d’entrée qui prend l’ascenseur. dr

    L’EPFL, une école d’élite et un ticket d’entrée qui prend l’ascenseur. dr

<blockquote>«Les patrons de certaines unis ont un pied en Suisse mais la tête dans un monde globalisé.»</blockquote>

Dans le landerneau du monde universitaire, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Dès 2017, les taxes universitaires facturées par l’EPFL à ses étudiants vont doubler, passant à 2400 francs par année académique. Une nouvelle qui pousse la Jeunesse socialiste vaudoise «indignée» à lancer une pétition contre l’avènement en Suisse «d’universités élitistes».

Arthur Auderset, porte-parole du syndicat «SUD Etudiant-e-s et précaires» ne mâche également pas ses mots: «Il suffit de voir l’exemple anglais pour comprendre à quel point ce type de mesure peut mener au désastre, avec des étudiants pris jusqu’au cou par les dettes! Ce qu’on nous prépare, ce n’est rien moins qu’une véritable marchandisation des études qui sont de moins en moins un service public assuré pour le bien commun!»

De son côté, le journal le Temps s’est fendu d’un éditorial au vitriol, intitulé «Le jeu vénéneux des écoles polytechniques», évoquant même des «piaillements pécuniaires». Piaillements? Voire! Justifiée par une baisse du financement assurée par la Confédération, cette hausse annoncée, quoique relativement modeste au vu du niveau de vie suisse, ne serait-elle pas un prélude à une hausse massive dans les années à venir? Une chose est sûre: les écoles polytechniques fédérales sont loin d’être seules à avoir initié une augmentation des taxes exigées aux étudiants.

4000 francs au Tessin

En Suisse italienne, l’université demande plus de 4000 francs aux étudiants. A Genève, l’Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement facture plus de 2500 francs annuels aux résidents suisses, près du double à ceux qui viendraient de l’étranger. Un cursus de bachelor à l’école hôtelière de Lausanne revient à plus de 22’000 francs pour un étudiant suisse ou assimilé, plus de 100’000 francs pour un étranger!

«Même augmentées, ces taxes universitaires ne financent que très peu le fonctionnement des institutions universitaires, observe Arthur Auderset. En réalité, cette démarche est le symptôme du triomphe d’une vision néolibérale des études supérieures. La généralisation d’une politique anglo-saxonne portée par l’Union Européenne et l’OCDE qui érigent les études au rang de capital dans lesquelles il faut investir. Quitte à s’enchaîner bien sûr avec des dettes que l’on mettra des années à rembourser et qui subordonneront durablement les futurs employés à leur patron!»

Alors bien sûr, le syndicat SUD est très marqué à gauche, et on peut sans doute émettre quelques réserves face à ses envolées anticapitalistes.

Mais tout de même. Celles-ci recèlent incontestablement une part de vérité. «Tous les patrons de ces grandes institutions universitaires EPFL, HEID etc, ont les pieds en Suisse mais la tête dans un monde globalisé, explique sous le sceau de l’anonymat un professeur universitaire. Souvent eux-mêmes formés à l’étranger, ils représentent en quelque sorte l’avènement d’une université suisse 2.0 hors sol qui vise uniquement la compétitivité à l’international et jonglent entre mécénat privé et projets immobiliers pour bâtir des campus luxueux ».

Harvard, Yale, Oxford...

Résultat: ces institutions regardent plus en direction de Harvard, Yale, Oxford que vers Lausanne, Zurich ou Genève. Dans cette perspective, des taxes universitaires élevées visent une excellence internationale susceptible d’attirer la future crème de l’élite mondialisée, habituée aux tarifs élevés facturés par les universités anglo-saxonnes et pour lesquelles le montant exigé est garantie de qualité. Symbole de cette tendance: la généralisation irrépressible de l’enseignement en anglais au détriment du français, réduit à la portion congrue.

«Cette politique est très efficace, observe encore notre professeur d’université. Elle participe au rayonnement de la Suisse en attirant des étudiants étrangers fortunés qui viennent chez nous et obtiennent des diplômes de plus en plus reconnus dans le champ international. Mais cela a un prix: ces institutions tournent le dos à l’univers académique suisse qui tend à s’isoler et s’appauvrir. Si on ajoute que dans l’immense majorité des cas, les étudiants repartent chez eux, on peut légitimement s’interroger sur la formation et le niveau de notre future élite locale.»