Déchets: et si Lausanne optait pour la taxe au poids?

EFFICIENCE • Selon une étude menée par une société basée au Mont-sur-Lausanne, taxer les déchets selon leurs poids en ferait considérablement baisser la quantité et les coûts. La Ville de Lausanne estime qu’une telle taxe implique trop de contraintes.

  • Environ 13% des communes vaudoises préférent le principe du pollueur-payeur à la taxe au sac. DR

    Environ 13% des communes vaudoises préférent le principe du pollueur-payeur à la taxe au sac. DR

«La taxe au poids a une dimension très incitative» Maximilian Schlaeppi, société OptiWaste

C’est un constat qui pourrait faire évoluer les mentalités et les comportements. Aussi bien des Lausannois, que des autorités. Depuis de nombreuses années maintenant, les autorités fédérales ont acté le principe du pollueur- payeur: plus on pollue et produit des déchets et plus on doit payer. Ce principe, valable à la fois pour les particuliers et les entreprises, a été mis en œuvre selon des modalités diverses. Ainsi, dans le canton de Vaud, près de 300 communes dont Lausanne il y a sept ans, ont opté pour le système de la taxe au sac. Pour le citoyen lambda, il s’agit donc de ces fameux sacs blancs surtaxés que l’on peut acheter dans les commerces et indispensables pour jeter ses ordures.

Seulement voilà: il existe d’autres manières de procéder et au lieu de taxer le volume des ordures - ce qu’implique la taxe au sac -, on taxe leur poids. Et cette autre manière d’appliquer le principe du pollueur-payeur, retenue par 13% des communes vaudoises, pourrait être intéressante à plus d’un titre. C’est ce que laisse clairement conclure une étude menée par la société OptiWaste, qui est active dans le domaine de l’optimisation des déchets et qui a analysé des statistiques compilées au niveau cantonal par l’Etat de Vaud.

A notre demande, OptiWaste a extrait des données spécifiques à la commune de Lausanne. Avec des résultats très évocateurs: en 2020, Lausanne a ainsi produit 181 kg d’ordures ménagères par habitant contre 84 pour celles qui appliquent la taxe au poids. Pour notre ville et toujours selon cette étude, l’adoption de la taxe au poids aurait signifié une baisse annuelle des coûts de l’ordre de 48% pour la commune tandis que les usagers auraient vu leur facture diminuer de 51%.

Dimension incitative

Comment un tel miracle est-il possible? «La taxe au poids a une dimension très incitative, explique Maximilian Schlaeppi, de la société OptiWaste. Les gens voient ce qu’ils jettent, et le fait de payer à chaque fois les conduit à améliorer leurs habitudes. Sans oublier un effet pervers du sac, qu’une fois payé on tend à remplir au maximum, avec moins de tri à la clé.»

Alors, une panacée la taxe au poids? Pas forcément. Tout simplement parce qu’elle est très complexe à mettre en place. Concrètement, ce n’est donc plus la voirie qui procède à la levée des ordures mais les citoyens qui convoient celles-ci au niveau d’écopoints répartis sur le territoire communal. Au niveau de chaque point de collecte, une balance intégrée et munie d’un lecteur de puce RFID, permet de peser les déchets déposés par l’usager qui sera ensuite facturé en fonction de leur poids.

«La taxe au poids demande une technologie beaucoup plus importante et avec des contraintes considérables, observe Stéphane Beaudinot, chef du service de la propreté urbaine de la Ville de Lausanne. Il faut installer des conteneurs par quartier ou rue avec toutes les contraintes inhérentes à l’implantation d’une nouvelle infrastructure.»

«C’est vrai, pour que cela fonctionne il faut des écopoints et surtout une répartition optimale de ceux-ci sur le territoire d’une commune, en particulier sur les axes de passage des gens, par exemple lorsqu’ils se rendent au travail, font leurs courses ou promènent leur chien, admet Maximilian Schlaeppi. Mais l’avantage dans ce cas-là, c’est qu’on génère en plus des économies de CO2, ce qui est loin d’être négligeable».

Contraintes logistiques et techniques

En tout état de cause, et au vu de sa complexité, l’immense majorité des communes urbaines du canton n’a pour l’instant pas privilégié le dispositif de taxe au poids, d’autant plus que celui-ci implique également un remplacement du parc de véhicules destinés à la collecte. «Les coûts considérables et les contraintes logistiques et techniques importantes plaident donc pour la taxe au sac, système qui a fait largement et à satisfaction ses preuves, conclut ainsi Stéphane Beaudinot du Service de la propreté urbaine.»

 

Une clarification, vite! L'éditorial de Charaf Abdessemed

En matière de gestion de déchets, difficile de savoir ce qui est le plus efficace. Depuis plusieurs années, la Confédération a instauré le principe du pollueur-payeur dont le fondement est très simple: plus on pollue et produit des déchets, et plus on doit payer, avec pour objectif ultime, une augmentation du tri et une réduction de la quantité des déchets produits. Pour mettre en œuvre ce principe, Lausanne ne jure que par la taxe au sac - tout le monde connait ce fameux sac blanc surtaxé indispensable pour jeter sa poubelle -, et qui, selon elle, a «largement fait ses preuves». A l’autre bout du lac, Genève a choisi une démarche totalement différente en tablant d'abord sur la collaboration volontaire des personnes et en renonçant à cette taxe au sac. Son argument? Ses effets dans d'autres cantons «n'ont pas été probants sur la durée», une profession de foi qu’elle vient de réaffirmer tout à fait officiellement.

Qui croire donc? Vérité au-delà de la Versoix et mensonge en deçà? Et pour ajouter à la confusion, voilà qu’ une entreprise vaudoise spécialisée dans la gestion des déchets vient de publier une étude, fondée sur des données cantonales tout de même, et qui montre que mieux que la taxe au sac, c’est la taxe au poids qu’il faudrait instaurer, avec à la clé, une meilleure récupération des déchets, des économies pour les communes, y compris Lausanne, ainsi que pour les contribuables (lire en page 3).

La gestion des déchets est chose trop sérieuse pour laisser la place à l’approximation, et une clarification s’impose rapidement si l’on souhaite que les Lausannois continuent à adhérer à une démarche dont les retombées sont essentielles pour l’environnement.