«Il appartient au dentiste d’expliquer quand la démarche relève du wellness»
Dr Olivier Marmy, vice-président de la société suisse des médecins-dentistes
Il suffit de se promener dans la rue pour s’en rendre compte. Les appareils dentaires sont à la mode et une très grande majorité de nos enfants en portent durant leur enfance. Mais ce n’est pas tout. Les adultes également s’y mettent et il n’est désormais plus rare d’observer de respectables quadragénaires arborer sans complexe des rangées de bagues orthodontiques sur leur dentition.
Raisons esthétiques
Seulement voilà: enfants ou adultes confondus, il y a rarement une véritable indication médicale à la mise en route d’un traitement orthodontique. En 2013 déjà, l’orthodontiste lausannoise Catherine Strahm, affirmait ainsi sur les ondes de la RTS: «Un traitement orthodontique est très rarement nécessaire pour des raisons purement médicales. Il peut parfois être utile pour des raisons de prévention, mais dans la majorité des traitements la principale raison est esthétique».
Ainsi, 10% seulement des traitements seraient justifiés pour une raison strictement médicale. De fait, les personnes qui ont recours à l’orthodontie le font surtout pour des raisons esthétiques, relevant à la fois du bien être et de l’effet de mode. En Thaïlande par exemple, et signe du caractère désormais tendance et décomplexé du phénomène, sont commercialisées de fausses gouttières à coller sur ses dents et destinées à faire croire que l’on suit un traitement orthodontique, histoire d’être dans l’air du temps.Chez nous, si nous n’en sommes pas encore là, il est clair que la tendance est bien là. «Dès lors que le patient est bien informé qu’il n’y a pas de raison médicale à son traitement orthodontique, il est libre de faire ce qu’il veut, explique le dentiste lausannois Olivier Marmy, vice-président de la SSO, la société suisse des médecins-dentistes. Il nous appartient juste à nous dentistes d’être clairs avec nos patients pour leur expliquer que leur démarche relève plus du wellness que de la médecine proprement dite.»
Wellness, le mot est lâché. Venu d’outre-Atlantique, le besoin de dents parfaitement alignées et blanches de surcroît, est donc un luxe de pays riche. «Ailleurs sur la planète, la préoccupation de la population est de préserver ses dents pour manger. Chez nous, dans ce domaine de soins, nous sommes très hauts dans la pyramide de Maslow, et quand j’observe que la moitié des enfants environ porte un appareil dentaire, cela m’interpelle un peu. Les adultes pour leur part, ont le choix», ajoute le docteur Marmy.
Les adultes justement, n’hésitent plus à avoir recours à ce genre de traitement. «C’est clair qu’il y a une nette augmentation du nombre de personnes adultes qui suivent un traitement orthodontique, confirme Gregory Antonarakis, chargé de cours à la division d’orthodontie de l’Université de Genève. Dans nos cabinets et ceux de nos collègues cette proportion atteint déjà de 20 à 30 pour cent de la clientèle et tend même à augmenter. Pour certains la raison est clairement esthétique, mais dans d’autres cas les besoins sont plus objectifs”.
Ainsi, certains maladies d’adultes comme les apnées du sommeil ou des maladies parodontales peuvent être traitées grâce à des appareils dentaires. «Les patients à qui l’on doit poser des implants peuvent également avoir besoin d’un appareil pour déplacer les dents voisines. Ainsi, nous ne sommes de loin pas que dans des situations de recherche de confort esthétique. Ce dernier cas relève pour moi non plus de la médecine, mais de la psychologie, de l’estime de soi et du confort social» ajoute ainsi le Dr Gregory Antonarakis.
Démocratisation
«Beaucoup d’adultes sont prêts à faire un effort important pour obtenir des dents alignées et il n’y a désormais aujourd’hui aucune gêne à porter un appareil dentaire, observe ainsi le Docteur Olivier Marmy. Le marché s’est démocratisé et il y a maintenant des dispositifs qui permettent souvent, mais pas toujours, d’instaurer ces traitements plus facilement qu’avant. Là-dessus, il n’y a pas de jugement de valeur à porter si le patient reçoit une information éclairée sur l’indication cosmétique de sa démarche, ainsi que les avantages et les risques des techniques utilisées».
Car un traitement orthodontique n’est pas dénué d’exigences ou de dangers. Le patient s’engage dans un processus coûteux (voir encadré) et de longue haleine, ce qui implique une forte implication de sa part, par exemple en termes d’hygiène bucco-dentaire. Des risques comme des résorptions de racines ou d’altération de l’émail dentaire peuvent également être observés. «Il est important qu’un traitement orthodontique soit mené par un praticien formé, conclut enfin Olivier Marmy. De fait pour moi, sur cette question, il n’y a pas de tabou et j’encourage les patients à questionner ouvertement leur dentiste sur son niveau de formation en orthodontie».