Les commerces réussiront-ils à sauver Noël?

Les mois de novembre et décembre représentent généralement des rentrées d’argent cruciales pour une bonne partie des commerçants.
Cette année, la situation sanitaire met à mal les commerces qui ont déjà perdu beaucoup avec le confinement du printemps. Pour eux, la période de Noël sera décisive.
Entre craintes et fatigue, le moral n’est certes pas au beau fixe mais beaucoup choisissent malgré tout de rester optimistes.

  • Malgré de nombreuses personnes dans les rues, beaucoup de commerce enregistrent une baisse de fréquentation. VERISSIMO

    Malgré de nombreuses personnes dans les rues, beaucoup de commerce enregistrent une baisse de fréquentation. VERISSIMO

«Nous sommes sur le fil du rasoir. »

Benoît Marchand, patron de la Chocolaterie du Bugnon

«Je suis très stressée, et je considère chaque jour comme une victoire». Murielle Dentan, propriétaire de la boutique «De la Suite dans les idées», à la Rue de la Madeleine, ne mâche pas ses mots. Pour cette boutique de cadeaux et décoration, «la période de Noël représente 40% du chiffre d’affaire annuel. Il s’agit de mois charnières.» Pour l’instant, l’entrepreneuse se rassure, car «les clients sont au rendez-vous et fidèles. Mais il est certain que ce ne sera pas un Noël habituel.»

Une période à ne pas rater

Et il ne le sera pour personne. «Selon les retours reçus récemment, on constate une baisse de 40 à 50% du chiffre d’affaire annuel pour certains commerces», rapporte Tomé Varela, secrétaire général de la Société coopérative des commerçants lausannois (SCCL). «Leur état d’esprit est étroitement lié à leurs affaires. En ce moment, il est donc plutôt mauvais. L’activité commerciale étant cyclique, la période de Noël, qui commence dès mi-novembre, ne doit pas être ratée. Et cela concerne d’autant plus les boutiques axées sur les cadeaux.»

Le confinement a engendré de grosses pertes pour les magasins, qu’ils espèrent donc compenser autant que possible à Noël. Car si la manne financière de l’Etat est tombée au printemps et leur a fait éviter le pire, la situation pourrait bien se péjorer, et laisser planer le spectre des faillites en série pour 2021, s’ils doivent continuer à manger leur trésorerie. «Les restrictions édictées fin octobre par le Conseil d’Etat vaudois se ressentent avec une baisse de fréquentation, bien visible, des commerces», ajoute le secrétaire général de la SCCL. En raison du télétravail, de la fermeture des bars, cafés et restaurants, ou simplement de la crainte du virus, les consommateurs vont à l’essentiel, et ne prennent plus le temps de flâner en ville.

Sur le fil du rasoir

Benoît Marchand, patron de la Chocolaterie du Bugnon, tente de tirer son épingle du jeu. «Puisque les événements de fin d’année, tels que les réunions d’entreprises, sont tous annulés, les employeurs se rabattent sur des douceurs qu’ils envoient à leurs collaborateurs.» Mais le premier confinement étant intervenu avant Pâques, le chocolatier y avait déjà laissé près de 40% de son chiffre d’affaire. Pour la branche, les manifestations de fin d’année telles que les marchés de Noël, sont également une perte considérable. «Je suis optimiste, mais je ne m’attends pas à ce que Noël soit florissant. Nous sommes sur le fil du rasoir.»

«Certains commerçants endossent par ailleurs une double casquette, comme une chocolaterie et un service traiteur. Ce dernier est souvent très important en fin d’année.

Pour eux c’est très dur», poursuit Tomé Varela. «Au niveau du service traiteur, c’est fini, foutu de chez foutu», confirme en effet Alexandre Manuel, directeur de la chocolaterie- confiserie du même nom. L’enseigne possède notamment un magasin à la rue de Bourg. Si ce dernier est actuellement moins fréquenté, c’est néanmoins sur ce créneau, en misant sur les cadeaux chocolatés ou autres paniers garnis, que l’entreprise va se battre pour tenter de sauver les meubles. Sa perte relative au service traiteur avoisine en effet les 90% entre mars et septembre 2020.

Optimistes malgré tout

«Nous sommes avant tout soulagés d’être ouverts, estime pour sa part la gérante de Jouets Davidson, Karin Hochard. Elle encourage cependant sa clientèle à effectuer ses achats de Noël en avance, pour éviter au maximum de faire la file d’attente devant le magasin en décembre. «Nous ne nous attendons pas à un chiffre exceptionnel cette année, mais dans l’ensemble nous sommes plutôt optimistes.»

Cet optimisme, Muriel, de la boutique de seconde main rétro Chabada Vintage, veut aussi le garder. Même si elle évoque, en écho à d’autres, une fatigue morale autant que physique. Elle continue de conseiller ses clientes avec le sourire, malgré le masque, et s’applique «à procurer de la joie aux gens quand ils viennent. Si l’on peut offrir un petit moment de bonheur en cette période morose, c’est important, et c’est à ce niveau que les petits commerçants peuvent faire la différence.»