Hormis quelque lointain marigot ou forêt pluviale, quelle autre région de la planète pourrait légitimement faire de ses bruines et crachins un argument touristique? Les amoureux des Highlands le savent bien: aussi capricieuse soit-elle, la météo n’a pas son pareil pour leur conférer un supplément de magie repéré depuis le fond des âges par les artistes en quête d’inspiration. Tout est bon pour les embarquer de châteaux en manoirs et de lacs en sommets… même un fastueux Royal Scotsman dédié au culte de la nostalgie ferroviaire, le luxe consistant désormais à savoir redonner du temps au temps.
Les marcheurs poussent encore plus loin leur quête contemplative. Le dépaysement leur paraît à la fois exotique et familier; exotique par les particularités auxquelles cinq millions d’Ecossais restent farouchement attachés (costumes, dialectes, gastronomie) et familier par ce que les deux rivales – Edinburgh et Glasgow – ont su créer ou intégrer en matière de design, architecture et ouverture culturelle au monde.
Effluves kaléidoscopiques
A quelque distance d’Inverness, visiter une distillerie aussi prestigieuse que Glenmorangie tient du privilège. Les néophytes apprennent d’abord à distinguer un single ou pure malt (100% d’orge maltée) d’un blended (mélanges avec d’autres céréales, comme le blé ou le maïs). Pour une qualité top, c’est donc rien que du malt. Un processus traditionnel libère les précieux sucres des grains: germination, séchage à la tourbe, mouture et mouillage avant une double distillation. Ironie: l’une des composantes les plus importantes de cette boisson titrant 40° pourrait bien être… l’H2O! «Nous n’utilisons que l’eau de nos montagnes, chargée en arôme par notre terre tourbeuse, parfois en iode par les embruns maritimes», précise le chimiste de service.
La halle des alambics impressionne autant qu’une machinerie de Jules Verne. C’est là qu’on distille le liquide fermenté en observant quelques secrets maison: plus les tuyaux sont hauts, plus l’alcool aura de contact avec le cuivre, plus doux sera le goût. Le liquide vieillira au moins trois ans dans un ou plusieurs fûts au passé imprégné de Bourbon. La suite de l’encavage utilisera des tonnelets encore parfumés des Porto, Sherry ou Sauternes qu’ils ont pu contenir. Au final, le nectar restituera au palais ce que le kaléidoscope – autre invention écossaise – offre à l’œil: une mosaïque de saveurs, de textures et d’arômes entrelacés, exprimant du verre à la bouche leurs plus infimes subtilités. www.pichonvoyageur.ch
