Le Transsibérien ne serait-il qu’une voie ferrée qui s’étend sur près de 9300 kilomètres pour son parcours le plus long entre Moscou (que l’on aura visité avant de partir) et Vladivostok? Assurément non.
D’ailleurs, Vladivostok n’est pas si loin. Un message sur internet l’atteste, signé Manon Masset dans Le Courrier de Russie du 3 novembre 2014. Elle a posé la question à la mère de la famille d’accueil qui l’hébergeait. «Comment peut-on se sentir si proche de ses compatriotes lorsque 9000 km, neuf heures d’avion et sept fuseaux horaires vous séparent?» La réponse a fusé. «Ce n’est pas nous qui sommes loin, c’est eux!
De Moscou à Pékin…
Le Transsibérien n’est pas un relieur de destinations même s’il propose d’autres parcours, y compris jusqu’à Pékin dans des conditions plus luxueuses, à bord de L’Or des Tsars. Nous y suivons aussi une ligne de vies, longue de 5600 km pour le seul Transsibérien et 2000 km pour le Transmongolien, avec des paysages qui parlent et des cavaliers-paysans qui parcourent les steppes.
De telles distances ouvrent les pages des livres. L’écrivain Jules Verne, bien sûr, avec son Michel Strogoff. Blaise Cendrars aussi. Elles comblent la soif de connaissance et mettent en avant le courage de ceux qui ont construit la voie ferrée, soulevé des montagnes ou domestiquer des fleuves immensément larges, comme l’Ob à Novosibirsk, la ville sibérienne qui abrite le plus grand théâtre de Russie.
De l’Europe à l’Asie
Le cœur du Transsibérien palpite en traversant des horizons plombés par l’infini des montagnes et des forêts de bouleaux. Chacun comprend ce que signifient terres d’aventure… et d’exil. Le train laisse aussi sortir ses passagers pour ressentir l’âme russe, mongole ou chinoise. Ils dorment parfois à l’hôtel, mangent dans des restaurants locaux, participent à des excursions pour conserver à jamais le rêve de Kazan où l’écrivain Léon Tolstoï a étudié, Kazan avec son Kremlin conquis par le tsar Ivan le Terrible.
Dans le cahier des souvenirs, des noms se gravent dans le désordre: Bolchoï, Oural, taïga, désert de Gobi, lac Baïkal, muraille de Chine. Nous imaginons les caravanes de thé mais ne voyons pas de monument précis. Enfin, si, mais pas celui auquel on pense. Ce serait du côté d’Ekaterinbourg. Pas pour son côté berceau du premier tsar et tombeau du dernier. Pour deux sortes de pierres. L’une vient du Cabo da Roca, au Portugal, l’autre du Cap Dejnev en Russie. L’un est le point le plus occidental de l’Europe, l’autre le plus oriental. Et nous, devant le monument, avec un pied en Europe et l’autre en Asie.
