Tensions et ras-le-bol minent une institution financée par de l’argent public

ENQUÊTE • Alors qu’elle fête ses 30 ans, l‘association Appartenances traverse une crise persistante dans son secteur consacré au service des femmes migrantes en situation précaire. Explications.

  • L’association, basée à la rue des Terreaux, traverse des remous depuis plusieurs mois. Photo FNT

    L’association, basée à la rue des Terreaux, traverse des remous depuis plusieurs mois. Photo FNT

Active à Lausanne, Vevey et Yverdon-les-Bains, l’association Appartenances souffle ses 30 bougies cette année. Elle est principalement financée par le Canton, des communes vaudoises, l’Office fédéral de la santé publique, la Loterie Romande et plusieurs fondations. Sa mission, telle que définie dans ses statuts: «Favoriser le mieux-être, la santé et l’autonomie des personnes migrantes, et faciliter leur intégration sociale tout en garantissant l’équité, la solidarité, la réciprocité et le respect de la dignité humaine». Ces tâches et cet anniversaire sont cependant entachés par une crise interne qui couve depuis un an à Lausanne.

Perle rare introuvable
Après le départ de l’ancienne cheffe du secteur Espaces Femmes, en poste durant plus de vingt-cinq ans, une nouvelle responsable a été nommée pour entrer en fonction en automne 2021. Mais le ras-le-bol grandissant et généralisé de la vingtaine d’employées a fini par prendre une telle ampleur qu’une  délégation s’est rendue en juin 2022 dans le bureau de la directrice de l’association, à Lausanne. Munie d’une lettre à l’adresse du comité à la tête de l’association, elle a insisté pour obtenir un audit et des changements profonds dans la façon de faire. Cinq mois plus tard, la nouvelle responsable contestée des Espaces Femmes s’est mise en arrêt maladie avant de démissionner. Depuis décembre 2022, une retraitée de 74 ans est venue à la rescousse pour l’ad interim, le temps de trouver la perle rare. Celle-ci semble se faire désirer, d’autant qu’une candidate pressentie pour le poste s’est finalement retirée du processus en mars d’après nos informations.

Un audit mais un comité soudé
Président de l’association, Vincent Barras admet que la structure a «traversé des remous» en 2022, mais en minimise la gravité. En préambule, ce médecin de formation attire l’attention sur le fait que l’ex-directrice d’Espace femmes «à la forte personnalité avait régné pendant vint-cinq ans environ.  Après son départ à la retraite, ça a été compliqué de remettre à plat toutes les activités car des habitudes avaient été prises», souligne-t-il. Mais le président conteste la tenue d’un audit externe l’an passé, se contentant de parler d’une enquête interne. Des employées sont pourtant formelles: un audit a bien été mené par une société genevoise après leurs revendications. Le terme d’«audit organisationnel» figurait d’ailleurs sur les documents officiels accessibles au personnel. «Une analyse externe» finit par concéder Vincent Barras.
Quant aux critiques internes qui visent l’actuelle directrice, le président de l’association (depuis 2015) les rejette. «Notre directrice a un style qui est certes ferme, mais elle sait gérer les problèmes et elle recueille l’appui total du comité.» Vincent Barras assure que la situation à l’interne va beaucoup mieux et se dit rassuré pour la suite. Il annonçait même, mi-avril, qu’ils étaient à bout touchant pour nommer la nouvelle responsable du secteur Espaces Femmes, après avoir suivi un processus d’auditions. L’annonce de l’offre d’emploi figure pourtant toujours sur leur site et aucune nomination n’a été faite, alors que nous éditons cet article. Selon nos sources, un syndicat a été sollicité afin de soutenir les démarches d’employées malmenées. Plusieurs arrêts maladie en raison de burn-out et démissions frapperaient le secteur Espaces Femmes à Lausanne et à Vevey, mais le président minimise ou dément aussi cela.