«Le religieux, véritable poison de la politique»

ROMAN • Chrétien copte né en Egypte, Nabil Malek est lausannois depuis 50 ans. Le dernier roman de cet ex-banquier d’affaires est un appel à un sursaut en faveur des Lumières.

  •   © Valdemar VERISSIMO

    © Valdemar VERISSIMO

Sous couvert d’une intrigue policière, votre dernier roman «Le dernier chrétien de Tahrir» met l’accent sur le malaise de la société égyptienne...

Absolument, l’Egypte est en proie à une crise de légitimité, à une justice inexistante... Un engrenage fatal qui ouvre les portes à l’islamisme radical avec tous ses débordements. Mais ce livre est également l’occasion d’une évocation de la géopolitique mondiale et du «retour du religieux» dans le monde d’aujourd’hui.

Comment expliquer ce retour du religieux?

Le monde est miné par les effets de la globalisation économique et financière, issue du néolibéralisme anglo-saxon. A l’ignorance des personnes qui se réclament de l’islam et commettent des atrocités, on répond en Occident par une provocation stérile. Plus grave encore, en Occident, on fait l’amalgame entre les musulmans et les auteurs de ces atrocités. Faut-il assimiler les Protestants à Calvin qui en 1500, laissait brûler vifs ses opposants, dont Michel Servet?

Le monde musulman est-il donc si éloigné de la représentation que l’on s’en fait?

Oui, au moins partiellement, et c’est le but de mon roman: déconstruire tous ces clichés. Sait-on par exemple qu’au plus haut niveau des services de renseignement égyptiens, se trouvent des Coptes? Que ceux-ci comptent parmi les plus grands milliardaires du pays? Que sur plusieurs milliers de versets coraniques, une poignée seulement contient des appels au meurtre...

Reste que ceux qui appellent au meurtre aujourd’hui le font au nom de l’islam...

C’est incontestable. Et autant ces gens-là ne représentent pas l’islam, autant l’islam doit entamer une réforme profonde afin de mettre fin à la radicalisation à laquelle on assiste. C’est valable au Moyen-Orient, mais c’est aussi une urgence ici chez nous, si on veut éviter le chaos. Ce que nous vivons est très grave. D’autant plus grave que le retour du religieux en politique affecte aussi l’Occident. N’oubliez pas qu’aux USA, après le 11 septembre, on a parlé de croisade et d’axe du mal!

Que faire dans ce cas pour réformer l’islam?

Les terroristes qui ont fait l’attentat contre Charlie Hebdo n’étaient pas religieux. Leurs parents n’étaient pas des musulmans pratiquants. Eux-mêmes ne parlaient pas l’arabe et n’avaient jamais lu le Coran. L’Occident doit comprendre comment il en est arrivé là et se débarrasser de l’angélisme dont il a longtemps fait preuve. L’effort doit commencer parmi les imams européens et aboutir à une réinterprétation des textes de l’islam. «Le dernier chrétien de Tahrir», Nabil Makel, éditions l’Harmattan.