Financer le rail par l'aviation: le train est loin du compte...

ÉCOLOGIE • Le fantasme d’une partie de la classe politique européenne se définit ainsi: faire payer l’avion pour financer le train. Ce n’est pas gagné.

Pour taxer le trafic aérien, la première condition est une volonté politique. On n’en voit pas les prémisses. Il faut dire que ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout populaire. Le vœu de la Commission européenne est de doubler le nombre de trains à grande vitesse d’ici 2030, et de les tripler à l’horizon 2050. Le nerf de la guerre, c’est évidemment l’argent.
L’Allemagne à la traîne
Les usagers des lignes allemandes soupirent sans cesse devant les retards chroniques. Le gouvernement veut financer plus largement les trains. Le réseau a un sérieux besoin d’être remis au goût du jour. 45 milliards d’euros sont prévus d’ici 2027 mais… il n’est pas sûr que les utilisateurs voient la différence. Les 38’000 km de rails représentent une complexité extrême et les retards ne sont pas près de disparaître. La Deutsche Bahn estime qu’il en faudra beaucoup plus pour réaliser une expansion du réseau dans toute l’Europe, le doublement espéré n’est qu’un lointain rêve à ce jour.
En Suisse, 93% des trains sont à l’heure. Un nouvel outil a été introduit pour augmenter la ponctualité et l’efficacité. Une heure avant le départ, les CFF calculent la stratégie optimale en fonction des conditions météorologiques et de l’état du trafic. Les conducteurs sont informés à combien de secondes leur convoi se trouve derrière l’horaire et ils savent quelles mesures prendre.
En France, tout le monde n’est pas convaincu par l’extension du réseau ferroviaire. Des protestataires ont plusieurs fois bloqué la construction de la ligne rapide entre leur pays et l’Italie, la police est intervenue cet été pour les disperser. La liaison entre Lyon et Turin demande le percement d’un tunnel de plus de 57 km de longueur pour un coût de 26 milliards d’euros.
Pour le moment, un écueil de taille se présente: le prix. L’organisation écologiste Greenpeace a comparé les tarifs sur 112  trajets européens et a constaté que l’avion est moins cher dans 71% des cas. Les vols à bon marché sont particulièrement spectaculaires, puisqu’un Barcelone-Londres coûte 384 euros en chemin de fer et 12,99 euros en avion!
Taxer le kérosène
De là à réclamer une taxe sur le kérosène, il n’y a qu’un pas que les activistes de Greenpeace franchissent en proposant 0,50 euros par litre. Combien cela coûterait-il? Selon le site TravelGuys un avion moderne consomme 2,5 l/100 km par passager. Un trajet de 1000km, ce sont donc 25 l, et 12,50 euros de taxe. Un avion plus ancien consomme près de 4l, on arriverait à 20 euros. Selon Flightpedia, Londres-Barcelone, c’est 1139 km, la taxe serait donc dans tous les cas plus chère que le billet! En théorie, Greenpeace estime que l’apport serait de 46 milliards d’euros. Une estimation à prendre avec des pincettes, les consommateurs risquant de voyager plus près et en voiture si l’avion et le train enchérissent.
Autre inconvénient: aucune application, aucune plateforme ne donne autant de possibilités pour le train que pour l’avion. Ce qui dissuade encore plus les éventuels clients. Le train a décidément… un train de retard.