Radicalisation religieuse: que peut faire le SPJ?

- Un Lausannois s’inquiète pour ses neveux dont les parents musulmans se sont radicalisés religieusement au point d’isoler leurs enfants.
- Alertés, le Service de Protection de la Jeunesse et la justice de Paix vaudoise ont choisi de ne pas intervenir dans ce cas précis.
- Que peut-on faire lorsque l’on est confronté à la radicalisation religieuse de proches?

  •  Pour son chef Christophe Bornand, le SPJ est préparé à faire ce type de situation. VERISSIMO

    Pour son chef Christophe Bornand, le SPJ est préparé à faire ce type de situation. VERISSIMO

Récemment, Olivier, quadragénaire lausannois, s’est inquiété de la radicalisation religieuse de sa sœur et particulièrement des conséquences inquiétantes qu’elle avait sur ses enfants (voir encadré ci-dessous). Malgré son signalement au Service de Protection de la Jeunesse, celui-ci n’a pas jugé qu’il était nécessaire d’entendre les enfants ou de rencontrer les parents. Olivier, très inquiet et se sentant incompris, a contacté Lausanne Cités. Contacté par nos soins, Christophe Bornand, le Chef de service du SPJ, explique : « Tous les signalements n'invitent pas forcément à entendre les enfants ou les parents. En effet, certains d'entre eux, de par leur contenu, ne valent pas comme signalement. Nous nous renseignons aussi  auprès d'autres services de l'état en contact avec les enfants comme les directions d'établissement scolaire. Nous pouvons aussi prendre contact avec la police pour vérifier s'il y a des antécédents. » Cela dit, à écouter l’oncle des enfants, leur isolation est bien réelle et serait de nature à entraver leur développement. Mais comment le SPJ pourrait-il aller à l’encontre de ces contraintes alors qu’elles sont acceptées sans rouspéter par les enfants et que les parents les justifient avec des arguments religieux et culturels ?  « Une culture différente peut impliquer une autre éducation; si nous sommes interpellés à ce sujet, nous vérifions que l'enfant n'est pas en danger et que ses parents répondent à ses besoins en matière de développement physique, psychique, affectif ou social. », répond le chef du SPJ.

En pratique

A les écouter, le SPJ est donc parfaitement organisé pour réagir dans une telle situation, mais lorsqu’on prend connaissance de l’histoire d’Olivier, on est en droit d’en douter. A leur décharge la détection d’une dérive sectaire est extrêmement compliquée et plus encore la recherche de preuve des conséquences dangereuses sur l’éducation des enfants en bas âge. De plus, la frontière est très fine entre la simple interprétation stricte du dogme d’une religion et une dérive sectaire qui entrainerait ensuite des problèmes psychiques sur l’enfant.  Enfin, la radicalisation religieuse n'est pas aujourd’hui un sujet de signalement que le SPJ vaudois a l’habitude de traiter. Cela dit, au vu de l’actualité, il est probable que d’autres cas de cette nature surgissent et il serait rassurant que, lorsque l’entourage les signalera, il se sente davantage considéré et accompagné qu’Olivier. 

«Mes neveux me font peur. Ils traitent leur grand-mère de prostituée»

JS • Sandra, vaudoise d’origine, a rencontré Nadir il y a bientôt dix ans. Depuis, le jeune couple établi à Lausanne a eu deux enfants. D’abord, le ménage est bien intégré, très social et proche du reste de la famille mais, après quelques années, la situation se modifie brusquement. Dans un premier temps, suite à quelques incidents de la vie, le couple se réfugie dans la religion musulmane. «Ma famille était notamment choquée de découvrir Sandra avec une burqa mais nous voyions tout cela d’un œil tolérant, leur vie à tous les quatre avec des valeurs fortes semblaient être profitable», explique Olivier, le frère de Sandra.

Cela dit, très rapidement, la radicalisation du couple l’isole, avec ses enfants, du reste de la famille et de la société. Les parents vivent à présent de l’aide sociale. «Les enfants n’ont pas été inscrits à l’école, leur lavage de cerveau est aggravé pas leur interdiction absolue de fréquenter des non-musulmans, qu’ils décrivent comme des mécréants. Agés d’environ 5 ans, ils n’ont en outre pas le droit d’écouter de musique ni de jouer avec des filles», décrit Olivier. Plus inquiétant, à en croire leur oncle qui tente à tout prix de garder le contact avec sa sœur, les enfants commencent à tenir des propos misogynes et violents à l’égard des soi-disant «mécréants». Leur grand-maman fut notamment en état de choc lorsque ses petits-enfants refusèrent de lui faire des bisous, en raison de sa tenue vestimentaire jugée trop européenne, qu’ils qualifièrent de prostituée. Aux dernières nouvelles, le couple pense partir en Algérie pour s’éloigner d’une société jugée trop débauchée et s’épanouir là-bas. Les enfants commençant à poser beaucoup de questions, les parents souhaitent ainsi diminuer le «risque» de devoir les envoyer à l’école obligatoire et qu’ils remettent en question leur façon actuelle de vivre. Et Olivier d’ajouter: «Ils sourient gentiment lorsqu’on parle du djihadisme et ne disent rien. Evidemment, ça me fait encore plus peur, sans compter que les enfants répètent à tout-va que les Occidentaux iront brûler dans les flammes de l’enfer.» Entre autres démarches pour tenter de retenir sa sœur dans sa radicalisation religieuse à caractère sectaire et d’éviter aux enfants de subir les nombreuses contraintes qui y sont liées, Olivier a contacté le Service de Protection de la Jeunesse à plusieurs reprises. Celui-ci a d’abord réagi en qualifiant la requête d’Olivier d’islamophobe avant de se raviser mais de préciser qu’il n’avait pas à agir dans ce contexte. L’impuissance d’Olivier est d’autant plus grande que l’ensemble des services contactés expriment leur impossibilité à agir contre la pratique sectaire d’une religion, aussi invasive soit-elle dans l’éducation des enfants. Si leur développement psychique, affectif ou social peut sembler affecté, les moyens qu’Olivier auraient pour le prouver sont quasiment inexistants.