Bisbilles à Caritas Vaud

CONFLIT • Tombé par mégarde sur un document interne, confidentiel et explosif, un employé de Caritas Vaud est licencié dans la foulée.

  • Un document imprimé au mauvais endroit et c’est la spirale.  istock

    Un document imprimé au mauvais endroit et c’est la spirale. istock

C’est le genre de geste, qu’au bureau, on accomplit plusieurs fois par jour, sans même y penser. Récupérer ses documents à l’imprimante. Mais, Monsieur F.*, chef d’unité chez Caritas Vaud, ne pouvait pas se douter qu’il allait lui coûter son poste. Alors qu’il récupère une pile de papiers qu’il venait d’imprimer, il tombe par mégarde sur le PV d’une réunion de travail interne à la direction. Et ce qu’il y lit lui fait se dresser les cheveux sur la tête: «Ce document évoquait les éventuelles économies que pouvait faire Caritas Vaud, explique-t-il. Et avec des mesures très dures: suppressions de postes, réengagement de personnel à des salaires moins élevés, décalage des salaires d’un ou deux mois… ».

Sous le choc

Choqué, il s’en ouvre par un email confidentiel adressé à sa supérieure hiérarchique et trois jours après, il reçoit chez lui, alors qu’il est en arrêt-maladie, une lettre lui signifiant son licenciement en raison de la «mise en cause des réflexions stratégiques de la direction», des «menaces adressées au directeur adjoint» et du «chantage sous-jacent de (ses) propos».

«J’ai appris la nouvelle de mon licenciement le mardi par l’appel téléphonique d’un de mes collègues, déplore Monsieur F., alors même que j’avais pris la peine d’informer le dimanche précédent par sms ma supérieure de mon incapacité de travail pour cause de maladie. Évidemment, je vais contester ce licenciement aux Prud’hommes car c’est inacceptable, tant sur la forme que sur le fond des accusations proférées, complètement fausses !».

Afin d’avoir le fin mot de cette histoire, nous avons contacté la direction de Caritas Vaud en transmettant à la chargée de communication de l’institution les questions suivantes :

«1. Quelles sont les raisons qui ont conduit à ce licenciement étant donné que Monsieur F. a pu mettre en évidence un certificat de travail antérieur très élogieux ?

2. Caritas Vaud est-il informé que ce licenciement intervient au moment où Monsieur F. est en arrêt pour cause de maladie ?

3. Selon Monsieur F., ce licenciement intervient après qu’il a fait part à sa supérieure hiérarchique de ses inquiétudes devant un document faisant état d’un projet de la direction de Caritas Vaud de remédier aux difficultés financières de l’association par des économies sur les salaires et des suppressions de postes. Est-ce juste ?

4. Est-il vrai enfin que Caritas Vaud ait des problèmes de financement? »

Obligation de réserve

Par retour de courriel, la chargée de communication de Caritas Vaud nous fait savoir que «Caritas Vaud est encore en relations contractuelles avec [Monsieur F.] et par conséquent, en tant qu’employeur, nous veillons à respecter scrupuleusement le droit du travail et le devoir de réserve ». Après des considérations générales sur la stratégie adoptée par Caritas Vaud pour les années à venir, elle nous communique le numéro de portable de Pierre-Alain Praz, le directeur de l’institution, «à [n]otre disposition pour tout renseignement complémentaire».

Contacté par téléphone, au cours d’une conversation d’une durée d’une vingtaine de minutes, Pierre-Alain Praz évoque non seulement les orientations stratégiques de son institution, mais également la situation de Monsieur F. En toute courtoisie, nous lui faisons ensuite parvenir par email, les citations des propos tenus, afin qu’il en confirme la validité. Une confirmation qu’il refusera d’accorder préférant nous faire parvenir dans un courriel des informations selon lesquelles Caritas Vaud souhaite, dans le cadre de sa nouvelle Stratégie 2016-2020, effectuer des «économies d’infrastructures» tout en mettant «un accent prioritaire sur la réorganisation de ses équipes». À ce titre, a-t-il précisé, «deux postes de travail (cuisinier et gérant d’épicerie) seront cependant supprimés de notre organigramme en 2017».

Petit excédent

Au-delà des obligations de réserve qui entourent la relation entre Monsieur F. et son employeur, et qui dans ce cas d’espèce, se règlera vraisemblablement aux Prud’hommes, il ne nous sera malheureusement pas possible, malgré nos demandes, d’en savoir plus sur la réalité de la situation financière de Caritas Vaud. Alors que selon M. Praz «l’année 2015 s’est bouclée par un exédent de quelques milliers de francs», comment expliquer l’ampleur des mesures initialement envisagées et consignées dans le document retrouvé par Monsieur F.?

Pour rappel, Caritas Vaud, institution sociale de premier plan dans le canton, bénéficie largement de subventions octroyées par les pouvoirs publics.

* Identité connue de la rédaction