Dominique Bourg, le Lausannois qui veut siéger au parlement européen

Le philosophe français établi à Lausanne se lance aux élections européennes du 26 mai prochain.
A la tête d’une liste intitulée «Urgence Ecologie», il fustige le déni collectif dans lequel se complaisent nos sociétés.
Rencontre avec ce futur retraité de l’UNIL qui rêve de structurer une expression politique durable et efficace de la cause climatique.

  • Dominique Bourg, un Lausannois engagé pour l’écologie et pour l’Europe. VERISSIMO

    Dominique Bourg, un Lausannois engagé pour l’écologie et pour l’Europe. VERISSIMO

«Les politiques ne sont pas seuls en cause. C’est tout un système qui est en jeu!»

«En votation suisse, la plupart des sujets écologiques sont malheureusement rejetés.»

Pourquoi vous, philosophe et universitaire, avez-vous décidé de descendre dans l’arène politique et vous présenter aux élections européennes?

La raison est simple: nous sommes collectivement dans une situation complètement folle de déni absolu, alors que la réalité nous rattrape tous les jours, et que encore très récemment, des rapports scientifiques sérieux annoncent l’extinction future d’un million d’espèces, l’accélération de la fonte des glaciers, etc. Et face à toutes ces catastrophes, qu’y a-t-il? Un déni total!

Ne peignez-vous pas le diable sur la muraille? Des avancées ont tout de même eu lieu!

Oui, mais tout cela est noyé dans une réflexion «mainstream» qui veut faire croire que grâce aux progrès technologiques, on parviendra par exemple à diminuer de moitié nos émissions de CO2 dans les 12 ans à venir. Or on sait très bien qu’en réalité, seule une modification de nos comportements permettrait de le faire. La technique seule ne suffit jamais, au contraire même: ainsi, en France on a vu des écoquartiers aboutir à des bilans énergétiques négatifs, car les gains autorisés par les aménagements technologiques ont été annulés du fait d’achats divers, énergivores.

L’engagement des politiques en faveur du climat vous déçoit à ce point?

Bien sûr, et c’est le moins que l’on puisse dire! Du reste, Nicolas Hulot a bien démontré leur impuissance en démissionnant de ses fonctions de ministre. Mais plus que les politiques, c’est en réalité l’ensemble du système qui est en cause. Un exemple: l’article 3 alinéa 5 de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, signé dans la foulée de Rio en 1992, stipule clairement que toute mesure en faveur du climat qui viendrait à entraver le commerce international est à bannir. La messe était donc déjà dite et cela montre bien que c’est bel et bien tout un système qui est en cause…

Elu à Bruxelles, ne craignez-vous pas de vous faire broyer par la machine bureaucratique de l’UE et la machinerie politique européenne?

D’abord, il y a très peu de chances que je sois élu. Beaucoup de listes sont en lice et il sera très difficile de percer le mur de verre. J’observe par exemple que depuis que je me suis déclaré, je ne suis plus invité par les médias français…

Tout de même, croyez-vous que l’échelon européen soit vraiment le meilleur pour agir?

Je n’ai aucune illusion. Car même élu je sais que je n’aurai que le pouvoir limité d’un député européen qui, au fond, se limite à voter le budget de la commission. Je n’ai donc aucune attente de ce côté-là. En revanche, les institutions européennes, qui dictent par exemple pas moins de 80% du droit français, sont un excellent poste d’observation depuis lequel on peut en plus largement faire entendre sa voix... Et puis enfin, il ne s’agit pour nous que d’une première marche qui nous permettra de formuler et structurer une expression politique à l’aune des dangers actuels. Et c’est le bon moment, car avec les menaces climatiques qui vont s’intensifiant, le seuil de mobilisation de la population a explosé. Les nombreuses actions auxquelles on assiste un peu partout aujourd’hui dans le monde en témoignent.

En parlant d’action, quel regard portez-vous sur l’engagement des jeunes qui se mobilisent résolument en faveur du climat ?

Notre but n’est pas de nous substituer à eux, mais bel et bien de converger avec ce qu’ils font. Car tout seul, personne ne peut rien changer. Devant l’urgence climatique, il faut utiliser tous les moyens à disposition qu’ils soient juridiques ou en termes de mobilisation dans la rue, etc. Et c’est la convergence de ces moyens qui aboutira à une expression politique audible et efficace.

Que vous a apporté votre expérience lausannoise en termes d’engagement politique en faveur de l’écologie?

Les deux pays sont très différents sur le plan du fonctionnement et des mœurs politiques et c’est très enrichissant d’être à cheval sur les deux. En Suisse, dans les grandes votations la plupart des sujets en matière écologique sont malheureusement rejetés. Mais au fil des années, elles grignotent peu à peu des voix ce qui est encourageant. Côté français par exemple, j’observe une plus grande conscience du caractère dramatique des urgences écologiques, peut-être parce que le pays va moins bien...

Vous prenez votre retraite cet été. Allez-vous quitter Lausanne?

Dès le 1er août en effet, je prendrai ma retraite et serai professeur honoraire. Je n’enseignerai plus mais garderai mes activités éditoriales et scientifiques… Je vis à Lausanne depuis 13 ans, et j’y resterai même si, par miracle, je venais à être élu à Bruxelles...