Camille-Angelo Aglione, itinéraire d’un enfant turbulent devenu électron libre

ENTREPRENEUR • Petit, Camille-Angelo Aglione dérangeait sa classe en faisant le clown. Ce qui était mal considéré alors fait aujourd’hui toute la force tranquille de Camille, membre de la direction de la Fondation Beau-Site, qui exploite quatre EMS.

«Quand j’étais petit, le plus dur c’était de descendre seul dans la cour, parce que ma mère me disait d’aller jouer. Mais d’autres enfants finissaient par venir, nous inventions des cirques, et l’on faisait venir les autres voisins. Ce besoin de me mettre en relation avec les autres m’a poursuivi.» Qualifié d’enfant «turbulent», sa mère n’a jamais accepté de le faire aller en institution spécialisée, ce que les professeurs proposaient fréquemment. Parce que Camille parlait trop et dérangeait la classe. «Aujourd’hui, on utiliserait le terme hyperactif, sourit-il. Ailleurs, cette envie d’animer aurait peut-être été valorisée, mais dans un système scolaire classique, cela foutait le merdier».

L’Université – en sociologie - lui a alors paru plus simple: il n’était pas obligé de se rendre aux cours. «Mais le bar du Zelig, ça ne suffit pas pour passer ses examens, alors je me suis planté en beauté la première année.» Camille trouve alors des tactiques pour combattre l’ennui en classe. «J’allais sur internet chercher des informations complémentaires au sujet du cours. J’ai constitué de vrais dossiers que je partageais aux autres étudiants avant les examens et qui ont eu un joli succès.»

Des projets rassembleurs

Partager, connecter, et mettre les autres en relation, Camille le fait depuis toujours. A 17 ans, il lance la plateforme AdosJob, destinée à aider les jeunes entre 15 et 25 ans à trouver des petits jobs et stages. Lui-même avait dégoté son premier job dans un restaurant tenu par des cousins de sa famille. Puis c’est au pub de Blonay, village où il a grandi, qu’il a poursuivi ses expériences professionnelles. «De fil en aiguille, j’ai commencé à donner des tuyaux à des amis qui cherchaient des boulots. Un jour, l’un d’eux m’a dit que je devrais monter une agence de placement.» L’idée a fait son chemin, jusqu’à la création d’AdosJob, une aventure qui aura duré treize ans, avant qu’il ne lâche la présidence de cette première expérience de vie associative. «J’ai beaucoup de peine à ne pas mettre en relation des gens dont les intérêts et besoins peuvent se compléter. Il y a là un vrai potentiel. Autour d’une table, les idées émergent. C’est ce que j’essaie de faire dans mes différentes activités.»

Rencontrer Camille, c’est faire face à quelqu’un de posé, calme et sûr de lui. Une image qui contraste avec son tempérament auparavant étiqueté de turbulent. Camille, au fond, n’a pas changé, mais a réussi à apprivoiser sa manière de fonctionner et trouver les environnements qui lui conviennent.

«Torture»

Se concentrer sur un seul sujet durant une journée entière, «c’est une vraie torture» affirme-t-il. «Heureusement, j’ai trouvé des jobs me permettant de faire plusieurs choses à la fois. C’est ma stratégie, car cela me divertit.»

Si l’on sillonne son compte Instagram, ce ne sont pas les meetings, ou les sujets politiques – il a fait partie du Conseil communal lausannois d’avril à juin 2021 – qui alimentent son fil d’actualité, mais de beaux paysages. Il a pris goût aux escapades en nature en 2015 lors d’un road-trip, seul, aux Etats-Unis, au cours duquel il s’est beaucoup baladé. «Maintenant que j’y pense, être seul au milieu de grands paysages doit être l’unique moment où j’arrive me concentrer.» Mais pas question de s’adonner à des sports exigeants; cela lui demande concentration et finit par l’ennuyer. «En marchant, je peux laisser aller mes pensées, je me canalise sur le sentier, le silence m’apaise. Je me réjouis d’y retourner ce week-end», conclut-il avec le sourire.