"Le pire n’est jamais certain", l'éditorial de Charaf Abdessemed

L'anniversaire du centenaire du Traité de Lausanne représentait pour la ville un exercice périlleux avec d’importants risques de dérapages. La Ville s’est distinguée par une gestion exemplaire de l’événement.

Pour beaucoup de gens dans le monde entier, Lausanne n’est qu’une obscure bourgade non loin de Genève, et qui accessoirement - quand ils le savent -, héberge le siège du Comité international olympique.

Mais pas pour eux. Pour eux, notre ville est le réceptacle, c’est selon, de leur fierté, ou d’une blessure béante qui ne cesse de saigner. Signé il y a exactement 100 ans au Palais de Rumine, le Traité de Lausanne marque en effet pour bien des Turcs, le symbole de la renaissance de leur pays en une nation moderne sur les ruines d’un empire ottoman déliquescent et moribond. Pour les Kurdes et les Arméniens en revanche, il représente ce que les Palestiniens qualifient aujourd’hui de Naqba – une grande catastrophe - , c’est-à-dire le démembrement de leur peuple en plusieurs états dans un cas ou la négation des massacres qu’il a subis dans l’autre.

Autant dire que fêter ce centenaire représentait pour Lausanne un exercice périlleux avec d’importants risques de dérapages. Heureusement, rien de tout cela ne s’est passé, les représentants de la diaspora turque ont sagement choisi de reporter à plus tard la commémoration de la fondation de leur pays, tandis que la Ville s’est distinguée par une gestion exemplaire de l’événement. D’abord fondée sur la pédagogie en commençant par organiser un très didactique cycle commémoratif laissant une large place au travail des historiens. Ensuite en y ajoutant samedi dernier, un subtil équilibre entre verrouillage sécuritaire des lieux et maintien de la possibilité de manifester, le tout en évitant au maximum de froisser l’ombrageuse Turquie. Parfois, le pire n’est pas certain, et c’est tant mieux.