«Le pouvoir d’achat reste la première préoccupation de la population vaudoise»

INTERVIEW • Avec les élections fédérales en ligne de mire et une actualité particulièrement chahutée, la rentrée politique du Conseil d’Etat vaudois s’annonce sous haute tension. Sa présidente, la PLR Christelle Luisier, détaille les principaux dossiers qui occuperont le gouvernement ces prochaines semaines.

 

Lausanne Cités: Tensions sur le front de l’asile, retours des questions liées à l’approvisionnement énergétique, résurgence de la pandémie de coronavirus, une inflation qui persiste, sans oublier les élections fédérales prévues cet automne, le menu s’annonce copieux ces prochains mois. Vous êtes prête?

Christelle Luisier: Il faut toujours être prêt car depuis que je suis entrée au Conseil d’Etat, en mars 2020, les crises n’ont cessé de se succéder et de se superposer. Le gros défi dans ces moments-là est de tenir la barre en faisant preuve d’agilité et de résilience. Je reste cependant confiante car l’économie vaudoise tient bon et les projections sont globalement favorables. 

Certes, mais l’inflation reste à des niveaux très élevés, les loyers et les primes d’assurance-maladie ne cessent de flamber, quels sont vos moyens d’action pour soulager le porte-monnaie des ménages qui souffrent?

Au sein du Conseil d’Etat, nous nous efforçons d’appliquer une stratégie équilibrée et adaptée à l’ensemble de la population. De plus, notre filet social est très bien développé avec notamment le bouclier de 10% pour l’assurance maladie, qui reste une spécificité vaudoise. Cela passera ussi par une baisse de la fiscalité, principalement destinée à la classe moyenne, et un maintien de l’attractivité du Canton. Seule la prospérité permet la redistribution.

Vos surnoms «la machine de guerre» ou «la dame de fer» et votre réélection dans un fauteuil l’an passé, vous aident à affronter les vents tempétueux)

Ce sont juste des titres médiatiques, je les laisse à leurs auteurs.

Cette impression de marcher sur l’eau peut aussi être un piège, non?

Je n’ai jamais eu l’impression de marcher sur l’eau. En vingt ans de politique, j’ai déjà vu des responsables qui avaient la conviction d’avoir un destin presque messianique. En ce qui me concerne, c’est tout l’inverse. Ce qui m’anime, c’est de travailler en équipe, de manière collégiale.

Justement, l’harmonie est-elle revenue au sein du gouvernement suite à «l’affaire Dittli»?

Cela n’a jamais été un problème d’harmonie car le gouvernement a fait preuve de solidarité et a réagi de manière non-émotionnelle. J’ai, par contre, constaté une vraie collégialité. Reste que ce type de dossier prend toujours de l’énergie et du temps car il doit être traité de manière rapide.

Avec le recul, s’agissait-il véritablement d’une «affaire»?

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ce dossier, mais force est de constater, que la situation de Valérie Dittli était conforme au droit. Le dossier s’est clairement dégonflé.

Lors de votre accession à la présidence du Conseil d’Etat le 1er juillet 2022, vous avez dû établir un programme de législature avec quatre nouveaux ministres. Un an après, la dynamique d’équipe vous semble-t-elle satisfaisante?

Une telle dynamique ne se décrète pas, elle se construit. C’est pourquoi nous avons, par exemple, instauré des journées au vert qui se tiennent une fois l’an et qui permettent de se connaître autre- ment. Ce que j’aime dans cette équipe, c’est que l’on se dit les choses avec franchise. Et pour moi, c’est fondamental.

Revenons à l’asile, cette thématique sera-t-elle dominante lors des prochaines élections fédérales?

Je pense que la question du pouvoir d’achat reste la plus importante dans le Canton de Vaud. Même si d’autres sujets, comme l’asile ou le climat pré- occupent aussi la population.

Sur la politique climatique justement, le gouvernement vaudois a annoncé en juin dernier une enveloppe de 209 millions permettant de financer vingt mesures emblématiques. Est-ce suffisant?

Ces 209 millions supplémentaires sont destinés à des mesures d’impul- sion rapides pour des projets qui arriveront à maturité lors du pre-mier trimestre 2024. Mais cela ne doit pas occulter le reste, notam- ment ce que l’Etat fait pour l’assai- nissement de ses bâtiments, la mobi- lité, l’accompagnement des communes dans l’élaboration de plan climat locaux ou encore la loi sur l’énergie qui est actuellement en consultation.

Cet été, on a beaucoup parlé de dôme de chaleur, de risques de sécheresse et de plans canicule, certains ont alors dénoncé un climat d’éco-anxiété, vous partagez ce point de vue?

Non, je pense que le climat est un vrai défi pour les autorités, la population et les entreprises. C’est un dossier que nous devons empoigner car il impacte notre manière de vivre, mais il ne doit pas être monothématique car il ne se gère pas indépendamment des autres sujets. L’urgence climatique, par exemple, ne justifie pas de passer outre les processus démocratiques.

Lors de leur rentrée politique, les jeunes PLR, se sont clairement prononcés en faveur d’une relance du nucléaire alors que les anciens du parti semblent plus prudents, où vous situez-vous?

Je ne crois pas au retour du nucléaire en Suisse. A moins d’avoir des avancées techniques permettant de résoudre les gros problèmes de cette énergie, notamment la gestion de ses déchets.

Quel est le principal dossier qui va vous occuper ces prochaines semaines?

La péréquation financière. On sort de la période de la consultation, le projet final du Conseil d’Etat est à bout touchant. Nous pourrons ainsi prochainement le défendre devant les députés.

Va-t-on enfin vers l’apaisement?

J’espère. En 2020, les positions entre les deux faîtières des communes et le Conseil d’Etat semblaient irréconciliables. Depuis, nous avons ratifié un accord et nous avons une base solide pour avancer ensemble. On doit s’en féliciter.

Le fait de venir de Payerne, une commune périphérique, vous a aidée dans ce dossier?

Cela m’a apporté une certaine crédibilité. Mais plus que ma provenance, je pense que mon expérience de municipale, puis de syndique m’a permis d’aborder ce problème en con- naissant parfaitement les difficultés rencontrées par les communes.

Quelle est votre entente avec les autorités lausannoises?

Nous avons en commun cette envie de faire rayonner le Canton et Lausanne dans le domaine du sport international, ainsi que l’idée que le sport est important dans beaucoup de politiques publiques.

Et vous avez aussi en commun le souhait de voir Lausanne jouer un rôle majeur dans le projet suisse d’organiser les Jeux d’hiver en 2030, on est loin de l’écologie...

Le concept est très différent de celui que l’on a connu lors des précédents JO, puisque l’on ne prévoit pas la construction de nouvelles infrastructures. C’est une belle occasion de fédérer l’ensemble de la Suisse en mettant en avant notre souci de durabilité. Pour l’heure, nous n’en sommes qu’au stade de l’étude de faisabilité, l’avenir nous dira si un tel événement peut avoir lieu sur sol helvétique.