«Tintin» et «Seppi», deux légendes...

CHRONIQUE • Joseph Blatter, inimitable président de la FIFA, porte très haut le flambeau du Vieux-Pays. Christian Constantin, en pleine mission «13e étoile» à bord de la fusée FC Sion, rêve de faire encore mieux.

Puisqu’il est sain de se poser des questions mais pas trop, en voici juste une petite: comment font-ils? Oui comment font-ils, «Tintin» et «Seppi», pour incarner avec un talent si consommé leur propre caricature; comment s’y prennent-ils pour parachuter l’art de la foot-business-gaudriole à de telles altitudes? Christian Constantin et Joseph S. Blatter, c’est comme le Bas et le Haut-Valais: tout les sépare, tout les réunit, à commencer par une certaine forme de génie. Il y a ensuite cette capacité ahurissante à multiplier, au nom du sacro-saint ballon rond, les allers-retours entre Angoulême (fameux festival de la BD) et La Paz (biennale du pipeau en devenir).
Christian Constantin et Joseph Blatter, gloires inégales à l’échelle planétaire, mais solistes acharnés dans le rayon cantonal. Passés les premiers réflexes, à l’image de celui qui consiste à se demander comment un si petit coin de pays a pu tirer deux fois le gros lot en moins d’un siècle, il convient d’applaudir le spectacle. Tantôt princes de la pantalonnade façon Arlequin, parfois redoutables dans la posture du Parrain Marlon, les deux hommes semblent maîtriser aussi bien les rouages de la Commedia dell’Arte que les secrets de la sulfateuse calabraise. 
 
Martyr
«Seppi» et «Tintin», une épopée à chacun d’eux, une fresque, une symphonie, bémols à gogo et grosses caisses comprises. L’aîné, 79 ans, sempiternel, inimitable président de la FIFA, a brûlé les planches toute la semaine passée. Soumis à un gros orage, avec foudres et grêlons de partout (si même le FBI et la justice suisse s’y mettent...), Joseph S. Blatter a dégainé derechef sa partition la plus aboutie - et la plus utile: celle du martyr qui, malgré toutes les pierres qu’on lui jette, poursuivra humblement sa mission puisque depuis 1998, il est l’élu - quels mécréants ont dit que des enveloppes de 50 000 dollars avaient circulé, ce soir-là, dans les couloirs de l’Hôtel Méridien à Paris? 
 
Comiques de légende
Blasphème. D’ailleurs, on se rassure comme on peut, dix-sept ans plus tard, les moutons et leurs ouailles sont bien gardés: en amont du cinquième mandat à la tête de la FIFA décroché des étoiles vendredi par le Haut-Valaisan, une poignée de bas fonctionnaires a été saisie au saut du lit doré, dans un palace zurichois. Et alors, ça ne va quand même pas empêcher dieu de tirer un plan sur la comète ou bien?
Au bal des as du crayon, Christian Constantin a déjà prouvé maintes fois, dans un style plus énergique et chien fou, qu’il ne craignait personne. L’envergure respective des deux oiseaux a d’ailleurs eu pour conséquence naturelle qu’ils se sont parfois volé dans les plumes; voire pris de bec, comme en 2011 quand «Tintin», parti en croisade contre le monde entier, avait menacé de secouer le trône de «Seppi».
 
A chacun son royaume
Heureusement, le foot a ceci en commun avec le dentiste qu’il n’est pas avare en couronnes. A chacun son royaume donc, son train électrique. Blatter conserve - pour l’instant - les rênes de l’empire FIFA; et Constantin rêve d’une nouvelle conquête en Coupe de Suisse avec le FC Sion, ce dimanche au Parc Saint-Jacques contre Bâle. Décrocher la 13e étoile du drapeau (en autant de finales), l’année du cinquantenaire du premier sacre (contre Servette) et du bicentenaire de l’entrée du Valais dans
Confédération: voilà de quoi affoler les méninges de Madame Soleil, faire mouliner «Tintin» à bloc au guidon de sa fusée. 
Car lui aussi poursuit sa mission plus ou moins sainte. Lui aussi porte haut, très haut le flambeau valaisan dans l’univers. «Tintin» et «Seppi», du grand art doublé d’une science inégalable: ils écrivent la légende, comme portés par une instance supérieure et en plus, ils nous font rire.