L’incroyable come-back de Silke Pan

En septembre dernier, la championne de paracyclisme Silke Pan annonçait se retirer du sport d’élite. Non sans avoir obtenu un ultime titre aux championnats du monde au Portugal. Un de plus pour cette femme hors norme, devenue paraplégique à la suite d’une chute de trapèze en 2007. Un retrait en forme de retraite? Pas du tout! Simplement pour renouer avec son premier amour, le cirque. Incroyable, mais vrai! Portrait d’une battante.

«Moi-même j’ai encore du mal à y croire. Les experts aussi. Parce qu’aujourd’hui, je suis sans doute la première paraplégique à faire ça!» La voix est douce, posée. La voix d’une femme que la vie a marqué au fer rouge, mais qui, grâce à une volonté hors normes, a réussi à forcer le destin. Aujourd’hui, elle lui permet en tous cas de renouer avec l’univers qui fut le sien depuis son enfance, sa passion, le monde du cirque qu’elle a dû bien malgré elle quitter en 2007, à l’âge de 34 ans, à la suite d’une terrible chute de trapèze qui l’a rendue paraplégique.

Un cruel destin dans une vie qui n’a jamais vraiment été facile et qu’on pourrait résumer en deux mots: courage et résilience. Car du courage et de la résilience, surmontés par cette incroyable volonté qui la caractérise, il lui en a fallu pour se frayer un chemin dans une existence qui, toute petite déjà, l’a obligée à se dépasser.

Une passion, le cirque

Silke Pan est née en 1973 à Bonn, en Allemagne, avant de venir, à l’âge de trois ans, s’installer du côté de Lausanne où elle suit sa mère et son père, docteur en physique des matériaux, qui vient d’être engagé par l’EPFL. Mais très vite, le couple se sépare et divorce. Silke reste avec sa maman et sa sœur, «une sœur dominante» se souvient-elle, née avec une déficience mentale, alors que sa maman, qui doit reprendre son métier d’enseignante d’allemand, se retrouve vite dépassée par les événements.

Sous pression, la petite Silke finit par craquer. Elle se cloître dans sa chambre, refuse de manger, devient anorexique. Après un long séjour à l’hôpital, qui l’aide à reprendre goût à la vie, on l’éloigne de sa famille et elle est placée dans un foyer en Allemagne où elle se reconstruit et trouve refuge dans des activités comme la gymnastique, le plongeon, le trampoline, la danse ou encore le théâtre. «J’ai trouvé là un milieu où je pouvais exister, où j’ai pu trouver une nourriture pour l’âme, pour mon âme», résume-t-elle. Avant d’enchaîner: «Au fond de moi, et malgré tout, j’ai toujours su intuitivement qu’il y a toujours une issue positive aux choses, mais qu’il faut beaucoup de patience pour y arriver. La réussite, elle est en nous!»

Ses passions vont devenir alors peu à peu son métier: contorsionniste, trapéziste ou encore voltigeuse. Elle suit les écoles du cirque, travaille à travers toute l’Europe, mène une vie de nomade. C’est dans ce milieu qu’elle rencontre Didier Dvorak, enfant de la balle comme elle. Le couple décide très vite de voler de ses propres ailes. Il monte ses propres numéros, se produit partout en Europe, anime des soirées. Jusqu’à cette date fatidique du 24 septembre 2007 où elle chute lourdement d’un trapèze. Le trou noir!

Une sportive d’élite

Courage et résilience. Les années qui suivent ce tragique accident sont terribles. «J’avais comme perdu mon identité, construite sur la gymnastique et le cirque. Ce corps qui m’avait permis de libérer mon esprit est devenu une prison. Mon âme y était enfermée». Le couple vit dans une baraque de chantier à Prilly. Il n’a plus de revenus et accumule les dettes, les assurances tardant à prendre en charge les soins qu’elle reçoit à Nottwil, au Centre suisse des paraplégiques.

C’est pourtant de là que va jaillir la lumière. En suivant un programme de réhabilitation, elle découvre le handbike. C’est le déclic. Elle achète un vélo couché, s’entraîne à fond et, quand elle quitte l’hôpital, elle l’emporte avec elle. «Il m’a permis de me réconcilier avec mon corps», dit-elle. Très vite, elle devient une sportive d’élite, se met à la compétition, enchaîne médailles et records, et se fixe d’autres défis. En 2016, elle gravit ainsi treize cols alpins suisses - 14’000 mètres de dénivelé positif - à la force des bras. Puis enchaîne d’autres exploits du même type. Plus tard, grâce à une collaboration avec une équipe de chercheurs de l’EPFL, elle vit ce qu’il faut bien appeler un miracle: pour la première fois, après neuf ans passés dans un fauteuil, à l’aide d’un exosquelette, elle voit ses jambes marcher à nouveau.

Le retour sur scène

Silke Pan, vous l’aurez compris, n’est pas du genre à renoncer. Durant le confinement, en s’entraînant, elle se demande si elle a encore la force de tenir son poids à la verticale, comme elle le faisait avant son accident. Avec l’aide de son mari, elle cherche diverses manières d’y parvenir et finit par attacher ses pieds de part et d’autre d’une barre qu’elle place sur sa nuque. «En l’espace de quelques minutes, j’ai retrouvé mes sensations», raconte-t-elle avec encore beaucoup d’émotion dans la voix. «Un rêve que je n’aurais jamais pu faire était en train de se réaliser, puisqu’après mon accident, je n’arrivais même pas à m’asseoir dans un fauteuil sans dossier.»

Depuis, la contorsionniste Silke Pan multiplie les entraînements, comme à son habitude, pour retrouver pleinement ce qui fut sa passion d’antan. A la fin du mois, elle sera ainsi au cirque de Noël de Moudon pour présenter son nouveau show, renouer avec le public et repousser, une fois encore, ses limites. Pour oublier son handicap et continuer de croquer la vie à pleines dents.

Silke Pan se produira au Cirque de Noël de Moudon du 19 décembre au 9 janvier.