Règlementation des taxis: la gifle!

JUSTICE • Un chauffeur de taxi lausannois vient de faire plier les autorités en charge de la délivrance des autorisations de taxi. Une décision de justice qui pourrait aboutir à refonder l’ensemble du système.

Pour un pavé dans la mare, c’est un sacré pavé dans la mare! Chauffeur de taxi à Lausanne, Pierre-André Giacometti vient de gagner le procès qu’il a intenté à l’Association de communes de la région lausannoise pour la règlementation des taxis.

En date du 3 décembre dernier, la Cour de droit administratif et public du tribunal cantonal vient en effet d’annuler une décision de refus à son encontre, rappelant que la décision incriminée se fonde «sur des dispositions règlementaires et une pratique incompatibles avec l’égalité entre concurrents protégée par la garantie de la liberté économique». Une gifle pour l’association de communes dans la mesure où cet arrêt remet en question un système en vigueur depuis de très longues années.

Autorisation A ou B

Petit retour en arrière. Pierre-André Giacometti exerce depuis longtemps comme chauffeur de taxi indépendant sous le régime de l’autorisation B qui lui permet de travailler sur appel ou de prendre des clients au passage, mais pas de garer son véhicule sur les places dédiées, une possibilité évidemment bien plus lucrative.

Seulement voilà: seules 250 autorisations, dites A, permettent d’accéder à ce privilège. Une centaine de ces autorisations est octroyée à des compagnies de taxis, tandis que le reste est accordé à des indépendants.

Evidemment, pour accéder à ce graal, il n’y a qu’une seule solution: s’inscrire sur une liste d’attente et attendre qu’une place se libère par le biais des décès ou des départs à la retraite, ce qu’a fait Pierre-André en 2006.

Sauf qu’en 8 ans d’attente (!), il n’a parcouru que la moitié du chemin, et aujourd’hui, 125 personnes figurent avant lui pour l’octroi d’une autorisation A. Résultat: il pourrait espérer obtenir son précieux sésame dans encore... 8 ans, soit 17 à 18 ans d’attente au total.

Délai raisonnable

«Je suis allé en justice pour obtenir mon autorisation A dans un délai raisonnable, explique-t-il. J’étais convaincu qu’au vu de la jurisprudence établie entre autres à Nyon, à Payerne et dans d’autres localités, Lausanne se devait de mettre en place un système constitutionnel d’octroi des autorisations, fondé par exemple sur un roulement!»

Et c’est d’ailleurs ce qui en substance figure dans l’arrêt du tribunal, celui-ci précisant que «des alternatives au système rigide en vigueur dans l’agglomération lausannoise sont envisageables».

Un véritable tsunami

«Le tribunal leur a intimé l’ordre de rendre une nouvelle décision en application d’un système conforme à la garantie constitutionnelle de la liberté économique, c’est un véritable tsunami qui va faire jurisprudence», jubile encore Pierre-André, qui ajoute: «J’invite donc désormais les autres chauffeurs à réclamer sans délai par courrier recommandé une autorisation A, et en cas de refus, de demander une décision officielle avec indication des voies de droit!»

Pas de recours

Présidé par le Municipal lausannois Marc Vuilleumier, le comité de l’Association de communes de la région lausannoise pour la règlementation des taxis n’a pas recouru de la décision auprès du tribunal fédéral, le délai réglementaire de 30 jours étant arrivé à échéance.

«Le tribunal a demandé à ce que la décision soit reconsidérée sur la base d’une règlementation qui favorise le renouvellement des autorisations, observe Marc Vuilleumier. Or c’est déjà ce que nous avions commencé à faire avec diverses mesures, comme par exemple la limitation de l’âge à 82 ans. En même temps, cela peut être très délicat: vous imaginez le tollé que provoquerait la limitation des autorisations à 5 ans? Nous avons donc deux juristes qui travaillent à des dispositions supplémentaires qui viseraient à faciliter l’accession aux autorisations. Et nous avons bon espoir que tout cela soit sous toit d’ici la fin de l’année!»