Voter dès 16 ans? Le parti socialiste lausannois veut prendre les devants

CITOYENNETÉ • Lors de sa séance du 30 mai, le Conseil communal de Lausanne a renvoyé à la Municipalité pour étude et rapport le postulat du socialiste Louis Dana demandant d’introduire un droit de vote consultatif dès 16 ans au niveau communal. Depuis, le sujet a fait son chemin au niveau fédéral, pour un droit de vote effectif. Les conseillers communaux Louis Dana (PS) et Pauline Blanc (PLR) en débattent.

Lausanne Cités: Louis Dana, pourquoi votre postulat ne propose qu’un droit de vote consultatif ?
Louis Dana: Tout simplement parce qu’au niveau communal, nous n’avons pas les compétences pour accorder un «vrai» droit de vote à cet âge, puisqu’il faut une législation en vigueur pour pouvoir le faire. En tant qu’élu communal, je dépose des objets là où je peux le faire, donc au niveau de la Ville. Mais le parti socialiste défend également un droit de vote effectif à 16 ans au niveau canto- nal ou fédéral.

Quelles en seraient les conséquences?
Louis Dana: Avec ce droit de vote consultatif, les jeunes entre 16 et 18 ans pourraient s’exprimer sur les objets communaux, cantonaux et fédéraux, avec une vocation d’éducation civi- que. Ce postulat a été soumis au Conseil des Jeunes de Lausanne qui soutient clairement ce texte. La participation du Bureau lausannois pour les immigrés me tient également à cœur car cela permettrait aux jeunes qui ont le passeport suisse, mais dont les parents ne votent pas, de s’intéresser à la question politique, à fortiori locale.

Pauline Blanc, pourquoi y êtes-vous opposée?
Pauline Blanc: Tout d’abord, les jeunes PLR se positionnent contre le droit de vote à 16 ans. Dans le cas pré- sent, le fait qu’il soit consultatif est contreproductif. Il y a aujourd’hui déjà un fort taux d’abstention chez les 18-25 ans, nous ne voyons pas comment offrir un droit de vote consultatif plus tôt changerait la donne. Cela pourrait apporter un sentiment de frustration et amplifier le problème de l’abstention si l’on renforce le sentiment des jeunes que leur voix n’est pas prise en compte. Le plus important est d’éduquer civiquement les 16-18 ans, et même plus tôt, dans le cadre de la scolarité obliga- toire, puis du gymnase et de l’apprentissage.

A seize ans, on est trop jeune pour voter?
Pauline Blanc: Nous ne pensons absolument pas qu’à cet âge les jeunes n’ont pas la maturité pour voter. En Suisse, nous avons trois majorités qui s’acquièrent à 18 ans: civile, civique et pénale, et il faut une concordance entre elles et ne pas créer un droit de vote au rabais. Si les jeunes peuvent voter à 16 ans, mais pas se faire élire ou signer seul un contrat d’apprentissage, cela crée un flou total. D’autant que, je réitère, cela ne sert à rien s’il n’y a pas d’éducation civique, car cela manque cruellement dans le Canton de Vaud et c’est au cœur du débat. Nous devrions d’abord trouver le moyen d’intéresser les jeunes dès 18 ans qui ne se rendent pas aux urnes. Abaisser l’âge du droit de vote ne changera rien au problème d’abstention.

Louis Dana: La société a évolué. Le droit de vote est déjà passé de 20 à 18 ans en 1991, et les choses s’accélèrent pour les jeunes. Seize ans est un âge pivot, où l’on acquiert certains droits et devoirs, un âge où l’on prend des décisions importantes pour notre avenir, d’un point de vue de la formation par exemple. Certes, ils peuvent ne pas être définitifs, mais cela reste un moment charnière. Je ne suis pas candide, je sais bien qu’accorder le droit de vote à 16 ans ne modifiera pas la participation globale, mais intéresser les jeunes, et les citoyens en général, à la politique est une responsabilité collective de l’éducation, des élus, et aussi des médias.

Vous êtes d’accord sur un point; la nécessité d’une éducation civique destinée aux jeunes...
Louis Dana: J’envisage ce droit de vote consultatif comme un étage de plus à l’enseignement civique. Nous n’avons pas de compétences en ce qui concerne le programme scolaire, qui revient au Canton, mais nous pouvons mettre en place des événements organisés par la Ville. Les objets de votation pourraient être expliqués de façon neutre, puis les jeunes recevraient les enveloppes, des débats pourraient être organisés, les jeunes voteraient de façon consultative, et dépouilleraient les résultats qui seraient analysés.

Pauline Blanc: Des cours devraient être introduits dès la 9ème année, se poursuivre dans le cadre du gymnase ou d’un apprentissage. Renforcer l’enseignement civique est d’ailleurs l’objet d’un postulat déposé au niveau cantonal par Florence Gross et cette volonté a fait l’unanimité au Grand Conseil. Il faut que les jeunes puissent comprendre comment fonctionne notre système politique afin qu’ils puissent exercer leur rôle de citoyen. En plus du scolaire il faudrait ajouter des expériences pratiques; visite du Grand Conseil, rencontre avec le président du Conseil communal, etc. Notre système peut susciter l’intérêt une fois que l’on a compris comment il fonctionne.

Un sujet qui fait son chemin

Dans toute la Suisse, l’épineuse question du droit de vote à 16 ans est un débat qui revient régulièrement sur le devant de la scène depuis plusieurs années, sans grand succès. Mais cela pourrait changer: en juin, le Conseil national a donné suite à une initiative parlementaire allant dans ce sens, contre l’avis de la commission chargée de l’étudier. De nom- breuses initiatives ont échoué au niveau cantonal ces quinze dernières années, notamment dans le canton de Vaud en 2021, où le Grand Conseil a refusé, à une très courte majorité d’accorder le droit de vote dès 16 ans. Le seul canton à avoir franchi le pas est Glaris, depuis 2007.