Loi sur le climat: le face-à-face vaudois

VOTATION • Le 18 juin prochain, le peuple suisse se prononcera sur la nouvelle loi sur le climat. Si elle est acceptée, notre pays devra atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Alberto Mocchi, député vert au Grand Conseil vaudois, et Kevin Grangier, président de l’UDC Vaud, opposent leurs arguments.

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Kevin Grangier: le thème du climat est instrumentalisé

Lausanne Cités: Vous estimez que cette loi, sur laquelle nous nous prononcerons le 18 juin, est une mauvaise loi, pourquoi?

Kevin Grangier: Parce qu’elle n’a pas le pouvoir de réaliser sa promesse. Que la loi soit acceptée ou non, cela ne changera strictement rien pour le climat, car les émissions de CO2 sont générées à plus de 99% à l’étranger, là où la loi n’aura aucune emprise. En revanche, la loi promet de nombreuses subventions qui seront financées en allant prélever l’argent dans la poche des citoyens.

Pourtant cette loi vise à retrouver une souveraineté énergétique, l’idée de davantage de souveraineté devrait vous plaire, non?

La seule énergie vraiment souveraine est l’hydraulique et celle-ci n’est pas impactée par la loi. J’entends souvent que l’énergie éolienne et solaire seraient souveraines contrairement aux énergies nucléaires et fossiles. Or, les panneaux photovoltaïques et les matériaux des éoliennes ont besoin de ressources et d’industries qu’on ne trouve pas en Suisse. Nous ne serons donc pas plus souverains.

Abandonner notre dépendance aux énergies fossiles trouve plutôt grâce à vos yeux. Or, pour y parvenir, il faut à un moment donné faire le grand saut et miser sur un mix d’énergies renouvelables, non?

Le principal atout pour faire le grand saut, c’est l’énergie nucléaire. Un récent sondage démontre d’ailleurs que la jeune génération l’a bien compris.

Vous faites campagne en rappelant qu’un «oui» alourdirait notre facture énergétique, quels sont vos chiffres?

Selon l’EPFL, la hausse du prix par an et par personne de la consommation d’énergie pourrait monter de plus de 6’000 francs. Pour une famille de quatre personnes, cela représente une augmentation de 24’000 francs.

L’UDC fait cavalier seul, les sondages sont peu favorables et mêmes vos propres électeurs se montrent plutôt enclins à accepter cette loi sur le climat, cela vous inquiète-t-il?

Non, les sondages sont comme des pronostics avant un match de football. Ils émettent des hypothèses de probabilité. De nombreuses équipes ont gagné un match qu’elles devaient perdre et de nombreuses campagnes UDC ont gagné la votation alors qu’elles devaient échouer.

Le 18 juin, les Vaudois voteront aussi sur l’initiative cantonale «Pour la protection du climat». Là aussi, vous recommandez son rejet...

La votation cantonale procède de la même méthode. Il s’agit d’instrumentaliser le thème du climat pour donner mauvaise conscience aux gens afin de pouvoir mieux leur soutirer de l’argent. C’est le green washing des vieilles recettes socialistes.

Alberto Mocchi: On ne peut plus tergiverser, il faut agir!

Lausanne Cités: Selon le comité référendaire, il est irréaliste de miser sur l’électricité à la place du mazout, du gaz, du diesel et de l’essence. Ne risque-t-on pas d’organiser des pénuries d’électricité?

Alberto Mocchi: Il est faux de dire qu'on va remplacer l'énergie actuellement produite via des énergies fossiles par de l'électricité, sans rien changer. Jusqu'à 6% de l'énergie que nous consommons aujourd’hui l'est par des chauffages électriques. En les remplaçant, on va générer des économies importantes. Avec un mix d'économies d'énergie, d'efficience et de nouvelles sources d'approvisionnement renouvelables, notre sécurité énergétique sera garantie.

Le projet ne prévoit pas de taxes et n’interdit pas les agents énergétiques fossiles. Sera-t-il assez incitatif?

La population a donné un signal clair en 2021, en disant qu'elle ne voulait pas de nouvelles taxes en matière d'énergie. Le Conseil fédéral et les Chambres ont revu leur copie, et ce nouveau projet vise les mêmes buts - la réduction de nos émissions de CO2 - avec des moyens différents. Notre pays s'est engagé auprès de la communauté internationale à faire sa part dans la lutte contre le réchauffement. On ne peut plus se permettre de tergiverser, il faut agir!

Cette loi ne risque-t-elle pas d’étrangler l’économie et les propriétaires immobiliers modestes?

Au contraire, on va soutenir tant l'économie que les propriétaires plus modestes par ce biais! Avec les subventions proposées via cette loi, il sera plus facile pour les propriétaires modestes de mieux isoler leur logement et de passer à des modes de chauffage plus durables, avec de jolies économies à la clé. Même topo pour les entreprises.

Le programme d’impulsion prévoit une production de chaleur à base d’énergies renouvelables. Où les trouvera-t-on?

Autour de nous! L'énergie solaire a un potentiel immense et on pourrait produire autant d'électricité qu'on en consomme chaque année en Suisse. Sans aller aussi loin, entre le solaire, l'hydraulique et l'éolien, couplés à des économies d'énergie, on a largement de quoi être autonomes. Surtout, il ne s'agit pas de tout remplacer du jour au lendemain, mais d'un processus qui va déployer ses effets progressivement d'ici à 2050, nous laissant le temps de nous adapter.

Ne met-on pas en danger notre approvisionnement énergétique en renonçant au nucléaire et aux énergies fossiles?

Au contraire! En sortant de notre dépendance aux importations, nous renforçons notre sécurité et notre économie.

Les Vaudois vont également voter sur l’initiative «Pour la protection du climat», qui est cantonale celle-ci...

Les deux textes visent en fait les mêmes buts, mais à des échelles différentes. La lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique doivent se faire à tous les niveaux.

 

Que prévoit la loi?

Destinée à accélérer la transition vers les énergies renouvelables, la nouvelle loi sur le climat prévoit notamment des aides financières pour les personnes qui possèdent des chauffages au mazout, au gaz ou électriques et qui décident de passer à des systèmes plus respectueux de l’environnement. Un soutien financier qui pourrait être élargi à certaines entreprises désireuses d’opter pour des technologies propres. Quant à la Confédération et aux cantons, ils seraient tenus, en cas d’acceptation par le peuple, de protéger la population et l’environnement contre les conséquences du changement climatique. Enfin, si le «oui» l’emporte, la Confédération pourrait conclure des accords contraignants avec des acteurs du secteur financier, comme les banques ou les caisses de pension, afin de contribuer à la neutralité climatique. Le principal argument des partisans est que cette loi soutient la population et l’économie dans le passage à des solutions respectueuses du climat. Les opposants dénoncent, pour leur part, le risque d’une flambée des prix de l’électricité et l’absence de mesures concrètes.