«Les bruits ponctuels existent et ne seront pas évitables» Fondation Mère Sofia
«Tout cela va très mal finir car nous nous sentons abandonnés par la Ville et certains d’entre nous vont se faire justice.» Ce cri du cœur est lâché par un jeune habitant à l’angle des rues Saint-Martin et César-Roux. Plusieurs nuits par semaine depuis le mois de décembre, son sommeil et celui de sa compagne sont interrompus par des individus qui trainent devant l’entrée du Répit.
Cette structure d’accueil gérée par la Fondation Mère Sofia (cofinancée par la Ville) accueille jusqu’à fin avril une centaine de SDF, au rez-de-chaussée d’un pâté de maisons d’habitation. Parmi ces individus, certains, alcoolisés, drogués ou dérangés psychiquement restent à l’extérieur devant l’entrée, à picoler et s’invectiver, voire se bagarrer. A force d’être appelée nuitamment par des habitants au bord de la crise de nerf, Police Secours n’intervient plus quand il ne s’agit «que» de vacarme, sauf en cas de bagarres, selon un témoin du quartier. «Quand on sort en pleine nuit pour demander au personnel du Répit d’agir, il semble n’avoir aucune autorité sur ces personnes», explique-t-il. Une voisine décrit le cas d’un employé de la Fondation Mère Sofia qui avait dû se résoudre à faire sortir dans la rue en pleine nuit un individu qui hurlait afin de tenter de le calmer sous ses fenêtres…
Autre ambiance à L’Etape
A la rue Saint-Martin se situe L’Etape, à quelques encablures du Répit. C’est une structure d’accueil nocturne à l’année gérée par la Ville. Il faut s’annoncer à l’avance pour y dormir et deux agents privés filtrent les lieux. Conséquence: le calme règne à l’entrée. L’ambiance y est différente de celle qui prévaut devant Le Répit, dépourvu d’agents en uniforme. Après de gros débordements l'an passé, la Ville avait d’abord fait venir la Protection civile, remplacée par des agents privés. «Cette période fut calme» selon des témoins. Quand ils ont cessé d’être employés, les incivilités ont recommencé. La Fondation Mère Sofia aurait expliqué que leur présence provoquait une diminution du nombre de bénéficiaires du Répit car ces derniers les redoutaient…
Liberté de la presse bafouée
Jeudi 24 mars vers 23h15, une quinzaine d’individus se tenaient à l’extérieur du Répit, à discuter dans la cour d’habitation. Après avoir pris discrètement, depuis le domaine public, une photo de l’enseigne à l’entrée de la structure, en prenant garde que personne n’y soit reconnaissable, le soussigné a été pris à partie par deux sans-abris quérulents.
Du personnel du Répit est sorti pour me demander de partir, puis m’a empêché de poser de simples questions à des hommes assis dehors. Il a fallu appeler à l’aide une patrouille de Police secours pour se sentir enfin en sécurité et bénéficier de la liberté de la presse afin d’exercer le droit d’informer. La même nuit, des habitants ont dû appeler le 117 vers 4 heures du matin en raison d’une rixe bruyante. Est-il pertinent de faire cohabiter des cas sociaux problématiques la nuit dans un espace où vivent couples et familles qui tentent de dormir? Pour les autorités politiques lausannoises, c’est une évidence mâtinée de fatalité. «Les bruits ponctuels existent et ne seront pas évitables, selon la Fondation Mère Sofia. Notre structure doit exister au centre-ville, et la santé mentale ou les situations précaires de nos bénéficiaires complexifient l’accompagnement et leur accueil. Lorsqu’ils sont en dehors de notre structure, nous n’avons plus de marge de manœuvre. Sachez aussi que Le Répit est saturé tous les soirs, nous refusons du monde ce qui entraine plus de personnes en rue ces temps.»
L’isolation phonique devrait être améliorée
Quant à Eliane Belser, responsable du dispositif d’aide sociale d’urgence, elle déclare: «Nous sommes régulièrement en contact avec le voisinage du Répit. Nous comprenons et tenons compte au mieux des difficultés que ces habitants nous signalent. Nous avons d’ailleurs déjà identifié ensemble des pistes d’amélioration et nous étudions la possibilité d’isoler phoniquement certaines zones du bâtiment considérées comme problématiques.»
Un couple de locataires n’y croit plus. Il soupçonne même sa régie immobilière et les services sociaux de la Ville de souhaiter que les habitants des lieux déménagent par lassitude afin de pouvoir y loger des gens précarisés à la place. Un habitant souligne: «J’ai demandé un jour à la directrice du Répit si elle pouvait profiter de nuits calmes pour se reposer là où elle habitait, ou si c’était aussi bruyant qu’ici. Je n’ai jamais obtenu de réponse.»